Le 15e festival Cinémania se termine demain soir avec la projection du plus récent film de Radu Mihaileanu, Le concert, mettant en vedette Mélanie Laurent. Le réalisateur de Va, vis et deviens a accordé une entrevue à La Presse cette semaine.

Avec Le concert, comédie réconciliatrice aux accents dramatiques, Radu Mihaileanu prend une revanche sur le passé avec humour. «Je me moque de ceux qui m'ont fait mal; j'ai vécu 22 ans avec le cauchemar du Kremlin. Ma revanche sur ce passé dramatique, c'est l'humour», explique le cinéaste.

Joli succès du box-office en France où il est sorti la semaine dernière, Le concert met en scène l'improbable rencontre entre les anciens musiciens du Bolchoï, mis au placard par Brejnev, et une certaine élite musicale française: le directeur du théâtre du Châtelet (François Berléand), une jeune violoniste prodige (Mélanie Laurent) et son agent (Miou-Miou).

Viré parce qu'il comptait des Juifs dans son orchestre, André Filipov (Alksei Guskov) a vu sa vie détruite. Devenu homme de ménage au Bolchoï, il intercepte un jour une invitation par fax destinée à la direction de l'institution moscovite. Il décide de se faire passer pour le chef d'orchestre actuel du Bolchoï et remonte son orchestre pour aller à Paris.

«Le film parle de la dignité humaine et de l'estime de soi. J'ai voulu raconter une histoire d'amitié et la dignité des gens brisés, note Radu Mihaileanu. Je fais venir les barbares de l'Est qui secouent l'Ouest assoupi. L'histoire c'est deux cultures qui se rencontrent.»

Production rondement menée et impressionnante - notamment pour ses scènes sur la place Rouge et sa finale, de concert, dans le théâtre du Châtelet -, Le concert n'en est pas moins marqué par la personnalité du réalisateur né en Roumanie. Notamment par son goût pour la musique et son attrait pour l'imposture, comme ressort dramatique.

«Je ne le fais pas exprès, mais je suis très sensible à l'imposture positive. Il y a le fait que mon père (un Juif de Roumanie) ait changé de nom pour un nom très roumain: cela a changé toute notre vie. Dedans, je suis toujours Bruchman, mais ma deuxième identité est une identité salvatrice», raconte-t-il.

Le mensonge

Comme ses personnages, lui aussi a dû mentir. En 1981, il quitte la Roumanie de Ceausescu pour la France avec un visa de tourisme pour Israël. Il constate: «Les gens dans mes films mentent pour retrouver la vérité. Ici, c'est Brejnev qui crée une fausse vie, ils essaient de remettre les choses à l'endroit.»

C'est lors de la finale d'un concert (à Paris) que les personnages retrouvent «leur musique intérieure», comme dit le réalisateur. Mélanie Laurent, en soliste, s'est fait beaucoup remarquer. Il a fallu deux mois de préparation à la comédienne pour devenir une violoniste crédible.

Finalement, l'histoire veut que la comédienne, vue l'été dernier chez Quentin Tarantino, se soit laissé emporter lors du tournage de cette scène. «Je n'ai pas coupé pendant huit minutes, elle s'est laissé envahir par la musique et l'émotion. Elle a atteint une transe et a failli s'évanouir quand j'ai coupé.»

«Le Concerto pour violon de Tchaïkovski a cette énergie avec une terrible nostalgie combinée. Il y a le chaud et le froid, et on aurait vraiment dit qu'il était écrit pour nous», dit le réalisateur.

Après avoir tourné en France, mais aussi en Israël, en Roumanie et en Russie, Radu Mihaileanu pourrait tourner à Montréal. Le réalisateur avait planché sur l'adaptation d'un livre se déroulant aux États-Unis qui aurait été transposé à Montréal, une ville qu'il a visitée à plusieurs reprises.

Et Hollywood? «Si j'ai l'idée qui va, je veux bien, mais il faudrait que j'aie la même indépendance de création et la souplesse que j'ai. Moi, ce sont les histoires qui m'attirent. Je n'ai pas de rêve d'Hollywood», assure-t-il.

Le concert est présenté dimanche à 9h et à 20h au cinéma Impérial. Il sortira ensuite au Québec.