Le renouveau créatif de Jacques Audiard est passé par lui. Tahar Rahim est la révélation d'Un prophète. Portrait d'un acteur qui ira loin.

 

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Il n'a pas encore 30 ans. La presse française évoque le Pacino des débuts. Tahar Rahim, jeune acteur français d'origine algérienne, a fortement marqué les esprits en se glissant dans la peau de Malik, ce jeune illettré qui, à l'intérieur des murs, se construira une personnalité de leader.

«Dans un magazine de cinéma spécialisé, j'ai lu le synopsis du Prophète, qui en était alors à l'étape de projet, rappelait l'acteur au cours d'une interview accordée à La Presse au Festival de Toronto. J'ai alors dit à la blague à un copain que ce rôle-là était pour moi!»

À ce moment-là, le jeune comédien avait des désirs plein la tête mais encore bien peu de rôles à son actif sur sa feuille de route. Il se fait néanmoins remarquer dans La commune, une série télé écrite par Abdel Raouf Dafri, scénariste de Mesrine, de même que de la première version du scénario d'Un prophète.

C'est d'ailleurs sur le tournage de cette série qu'il croise Jacques Audiard, venu sur le plateau pour visiter un ami, le réalisateur Philippe Triboit.

«Je n'étais même pas encore à la recherche d'un acteur pour mon film, explique Audiard de son côté. Mais j'ai été frappé par le regard de Tahar. Je lui ai offert de le raccompagner en voiture et nous avons pu discuter un peu. Instinctivement, j'avais le sentiment d'avoir trouvé mon Malik mais en même temps, je ne voulais pas trop m'enthousiasmer non plus. Il faut se méfier de ce genre de révélation quand on rencontre un comédien en dehors du contexte habituel. Il y a une contre-expertise à faire ensuite. Il faut pouvoir justifier cette espèce d'élan instinctif.»

Ce fut long. Tahar Rahim a dû faire plusieurs essais; attendre de longs mois avant que sa «prophétie» ne devienne réalité.

«Pour tout acteur, la perspective de tourner sous la direction de Jacques Audiard emprunte les allures d'un rêve, affirme-t-il. Je n'ai pas beaucoup d'expérience mais je sais qu'une occasion comme celle-là ne se représentera probablement pas très souvent. Là, j'ai pu goûter au meilleur tout de suite. Quand j'avais une question, Jacques avait une réponse précise à me donner. Je savais qu'il me rattraperait si jamais je tombais. C'est une question de confiance. Avec lui, les choses se construisent progressivement. Les scènes les plus fortes ont été tournées à la fin car j'en aurais probablement été incapable au début.»

En lice pour le César du meilleur acteur mais aussi pour celui du meilleur espoir masculin (celui qu'a remporté Marc-André Grondin l'an dernier), Tahar Rahim a récemment gagné le plateau de The Eagle of the Ninth, un péplum réalisé par Kevin Macdonald dont les têtes d'affiche sont Channing Tatum, Mark Strong, Donald Sutherland et Jamie Bell.