Les cosmonautes noirs, c’est déjà assez rare. Imaginez qu’en plus, il soit martiniquais.

À en croire le film Zétwal, qui sera présenté cette semaine au 26e festival Vues d’Afrique, ce personnage aurait déjà existé. Il s’appelait Robert Saint-Rose. Et en 1974, il rêvait de construire sa propre fusée, afin d’être le premier Antillais à voler dans l’espace. Les choses, on s’en doute, ne tournèrent pas exactement comme prévu…

Pour un sujet original, c’en est tout un. Le cinéaste d’origine martiniquaise Gilles Élie-dit-Cosaque avait déjà étonné en racontant la Guadeloupe à travers le regard d’une mobylette (Ma Grena’ et moi). Mais il surprend encore plus avec cette histoire complètement improbable.

Avec ses entrevues très sérieuses et ses films d’archives en super 8, Zétwal a tout du documentaire traditionnel. En l’absence du principal intéressé – disparu de la circulation depuis le fiasco de son opération – son frère, son ex-maîtresse, ses anciens complices et quelques grosses légumes de l’intelligentsia martiniquaise (dont le Prix Goncourt Patrick Chamoiseau) racontent et analysent cet épisode insensé, dont on ne sait trop s’il fut vrai ou non.

En fait, le cinéaste prend un malin plaisir à cultiver cette ambiguïté. Cette histoire a-t-elle vraiment eu lieu? Saint-Rose a-t-il réellement existé? On est tenté d’y croire. Puis les doutes se dissipent lorsqu’on apprend que ce «patenteux» comptait propulser son engin… avec la puissance poétique des livres d’Aimé Césaire!

Du coup, Zétwal prend une tout autre allure. Ce qui devait être le portrait d’un excentrique se transforme en psychanalyse de la société antillaise en général et martiniquaise en particulier.

«Je voulais rendre hommage à l’inventivité créole, explique Elie-dit-Cosaque au bout du fil. Mais en fin de compte, je crois que ce personnage symbolise surtout les attentes et les espoirs déçus du peuple antillais. Toute société a besoin de croire en ses utopies et dans l’idée d’un dépassement de soi. Or, la poésie d’Aimé Césaire possède justement une vraie force du dépassement de soi. Surtout quand il écrit des choses comme «l’heure de nous-même sonné».

Entre rêve et réalité

Le cinéaste refuse de voir en Zétwal une parodie de documentaire. Mais il admet avoir volontairement joué avec la forme et le flou. Plusieurs ont d’ailleurs cru à son histoire, à tel point qu’il a préféré taire la vérité, par peur de péter leur bulle. «On m’a dit que certains étaient retournés sur les lieux pour retrouver les gens qui avaient connu Saint-Rose. D’autres m’ont carrément demandé ce qu’il était devenu! Je n’ose pas leur dire la vérité. Je ne veux surtout pas freiner leur enthousiasme. Je me sentirais comme un adulte qui apprend à un enfant que le père Noël n’existe pas!»

Dans un sens, Elie-dit-Cosaque se sent coupable d’avoir «travesti de la vérité». Mais l’exercice, dit-il, lui aura au moins donné le goût d’un autre genre de cinéma. Sorti du délire Zétwal, le réalisateur planche actuellement sur l’écriture d’un film de fiction. «Ce sera l’histoire d’un Blanc qui est persuadé d’être noir.»

Aussi fou que ses documentaires, mais différemment…

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Zétwal, de Gilles Elie-dit-Cosaque, est présenté les mercredi 21 à 18h à l’ONF et le 23 à 18h15 au Beaubien.