La planète a mal à ses océans. Mais le fond des mers est encore le lieu de tous les émerveillements. «Ce qui nous inquiète, c'est de savoir que les océans changent à la vitesse grand V, ce qui est beaucoup plus rapide que le cycle naturel», annonce le biologiste Jean Lemire, qui a prêté sa voix et son érudition à la version québécoise d'Oceans de Disneynature, qui sort demain au grand écran.

En prononçant le nom «Disney», on évoque bien sûr le monde merveilleux des enfants. Les préoccupations écologiques du capitaine du Sedna IV ne mine pas l'enthousiasme des maîtres d'oeuvre du projet. «Je suis convaincu qu'un film comme Océans touche les gens, parce qu'on leur montre la beauté et qu'on aime ce qu'on voit. Quand t'aimes une fleur, tu ne veux pas l'arracher. Au contraire, tu veux y faire attention», fait valoir Jean Lemire, qui rappelle que «si Monsieur et Madame Tout-le-monde» veulent aller plus loin, ils ont accès à plusieurs autres documentaires beaucoup plus pointus.

Disneynature a inventé de nouvelles techniques de tournage pour ce documentaire familial qui a nécessité trois ans de préparation et quatre ans de tournage aux réalisateurs Jacques Perrin et Jacques Cluzaud, qui plongent dans les fonds marins des quatre coins du monde. Immergé comme un poisson dans l'eau, le spectateur nage avec 80 espèces (iguanes marins, dauphins, méduses, requins, labre à tête de mouton...) au milieu d'une jungle marine au pouvoir euphorisant.

Jean Lemire connaissait déjà l'engagement et la philosophie de Disneynature, puisque la filiale née en France avec la production de La marche de l'empereur avait fait appel à sa voix pour la version québécoise de Terre, en 2009. Il reconnaît et cautionne l'approche non moralisatrice des parents de Mickey, qui, selon lui, favorise l'impression de voyage.

«Il y a plus de commentaires dans la version française, ce qui apporte un deuxième regard sur le film Océans», rapporte le biologiste, qui, du même souffle, souligne que le géant du divertissement n'est plus le vendeur de bébelles qu'il a déjà été.

«Autrefois, quand Disney lançait un film, c'était toujours en collaboration avec Coke. Les choses changent, et ils ont décidé de retourner aux valeurs familiales. Quand ils m'ont joint pour ce film, ils m'ont parlé des efforts consacrés par l'entreprise tout en reconnaissant qu'ils n'étaient pas parfaits», relate Jean Lemire, qui pourrait de nouveau collaborer avec Disney pour la production de son documentaire sur les félins.

Plonger au cinéma

Pour Jean Lemire, il n'y a pas de meilleure façon de communiquer et d'éduquer qu'en montrant la beauté du rapport entre l'homme et l'animal. «L'un des plus beaux exemples est une scène entre un plongeur et un grand requin blanc, qui est très loin des images de terreur à la Jaws. Les médias ont fait de ces animaux des monstres. Oui, c'est un prédateur, mais ceux qui plongent savent que c'est un privilège d'être avec un requin blanc dans l'océan.»

Il n'est pas question non plus de s'enfouir la tête dans le sable: le navire chinois transportant du charbon échoué au début d'avril en Australie a probablement endommagé certains lieux montrés dans Océans. Les morses qui pataugent dans la baie d'Hudson ont migré encore plus au nord. Et combien d'espèces qui figurent dans le film sont menacées d'extinction?

Une chose est certaine, le film pourrait transmettre aux spectateurs de tous les âges le goût de s'initier à la plongée sous-marine. Au fait, monsieur le biologiste-cinéaste, c'est écolo ou pas de jouer aux hommes-grenouilles parmi les jardins de coraux et les poissons-dragons?

«Quand j'ai commencé mon travail dans le Saint-Laurent il y a longtemps, personne ne savait que nous avions des baleines. En même temps, nous avons créé une industrie touristique, ce qui n'était pas le but. Mais le contact des gens avec ces animaux, d'une certaine façon, a sauvé les baleines. C'est un peu la même chose avec la plongée: en amenant quelqu'un dans cet univers complètement inconnu, on en fait un ambassadeur extraordinaire.»