Daniel Alfredson signe la réalisation de l'adaptation cinématographique des deux derniers tomes de la trilogie Millénium de Stieg Larsson. Conversation avec un réalisateur qui se partage entre le petit et le grand écran.

Daniel Alfredson était chez lui lorsque nous l'avons joint. Une île au large de Stockholm. Oui, ça fait rêver. «Mais il fait plutôt frisquet aujourd'hui», a précisé, comme pour s'excuser, le réalisateur suédois, qui a pris la barre des deuxième et troisième volets de l'adaptation des romans de Stieg Larsson, Millénium. Le rêve ne se dissipe pas: frisquet, on connaît. Rire au bout du fil. Puis le bruit d'un liquide qui coule. Eau, café? Scotch, peut-être? Nouveau rire, «vikingesque», au bout du fil. «Thé.»

C'était donc l'heure du thé, en Suède, quand La Presse a appelé le réalisateur, à quelques jours de la sortie au Québec de Millénium 3 - La reine dans le palais des courants d'air. Un film très différent, côté rythme et intrigue, du deuxième, La fille qui rêvait d'un bidon d'essence et d'une allumette - donc, à l'image des romans: «Le deuxième volet de l'histoire est vraiment dans l'action. Le troisième, dans la résolution. Beaucoup de choses passent par les dialogues», admet le réalisateur.

Mais pour lui, ce n'est pas là - dans la prépondérance des dialogues sur l'action - que se trouve le principal défi de Millénium 3. Le principal défi, il a eu à le relever lorsqu'il a pris la succession de Neils Arden Oplev, réalisateur des Hommes qui n'aimaient pas les femmes, «qui n'était intéressé que par l'adaptation de ce roman-là»: «Les livres sont extrêmement réalistes et fouillés quand il y est question de journalisme, de politique et dans les descriptions de Stockholm, raconte-t-il. À cela se mêle un élément qui tient presque du fantastique, et c'est le personnage de Lisbeth Salander. Cette fille est un superhéros, son père est un monstre et son frère, un phénomène de foire.»

Il fallait que cette cohabitation se traduise de manière cohérente à l'écran, autant que dans les romans. Et ce, sans passer par les introspections que permet l'écriture. Défi, donc. Mais avec lequel Daniel Alfredson a eu plaisir à se colleter. Parce qu'un des éléments qui l'ont fait plonger dans les romans de Stieg Larsson, avant même qu'ils connaissent un succès mondial, est justement le personnage de Lisbeth Salander, qu'interprète avec brio Noomi Rapace.

«Lisbeth est une survivante et son histoire est très, très spéciale. Et Noomi a tenu à lui rendre justice. Elle n'avait pas beaucoup d'expérience quand elle a tourné le premier film, mais elle est très forte, volontaire et elle a mis tout ça au service du personnage», poursuit le réalisateur.

Daniel Alfredson a aussi eu à travailler avec l'un de ses vieux amis, Michael Nyqvist, qui incarne le journaliste d'enquête Mikael Blomkvist. «Nous nous connaissons depuis l'enfance, nous avons fait notre scolarité ensemble. Il est plus un ami qu'un collègue, pour moi.» Difficile de diriger un ami? Nouveaux rires. «Nous avions chacun notre rôle à jouer, et nous l'avons joué. Lui, celui de Mikael. Moi, celui de réalisateur.»

Des films et une minisérie


Millénium 3 a été tourné dans la continuité du précédent - en matière de tournage et d'intrigue: Lisbeth, blessée gravement par son père (qu'elle n'a pas ménagé non plus) et par son frère, est conduite à l'hôpital. Suivra la convalescence et la garde à vue, pour elle; l'enquête, et les risques de l'enquête, pour Mikael Blomkvist; et le procès, pour tous les deux - elle, au banc des accusés; lui, parmi les témoins à sa défense. Bref, le film colle au roman. Tout en le trahissant inévitablement: «Des personnages ont été amputés. D'autres, jumelés. Même chose pour les pistes que le livre explore.»

Pour une adaptation qui colle de plus près encore à l'oeuvre de Stieg Larsson, c'est vers la minisérie qu'il faut peut-être se tourner. Car une minisérie de six épisodes de 90 minutes a été tournée en parallèle aux longs métrages et diffusée dans plusieurs pays d'Europe, avec ses propres scénarios mais les mêmes acteurs et réalisateurs.

«Ici, nous nous partageons entre le petit et le grand écran», note Daniel Alfredson, qui vient d'une famille connue - «en Suède seulement», précise-t-il - pour avoir produit plusieurs réalisateurs: son père Hans et son frère Tomas exercent en effet la même profession que lui. Était-il prédestiné à s'immerger un jour dans le milieu du cinéma? Rires, plus grands et forts encore. «Jusqu'à l'âge de 20 ans, j'ai cru le contraire... mais ça m'a rattrapé.» Et il ne semble pas le regretter.

Millénium 3 - La reine dans le palais des courants d'air prend l'affiche le 30 avril, en version originale suédoise avec sous-titres français et en version doublée en français au Québec.