Le public québécois connaît très peu les comédiens canadiens. Sauf peut-être Paul Gross, le célèbre agent de la populaire série télévisée Due South. Dans son dernier film, la comédie Gunless de Wiliam Phillips, Paul Gross est utilisé en contre-emploi dans le rôle d'un hors-la-loi américain coincé dans le plus tranquille des villages canadiens.

On peut certes qualifier Paul Gross, scénariste, réalisateur et comédien, de star canadienne. Pas seulement parce qu'il a connu la gloire en «police montée» dans la série Due South, mais aussi parce qu'il est derrière deux des plus grands succès au box-office canadien-anglais: Passchendaele, drame sur la Première Guerre mondiale, et Men With Brooms, comédie romantique qui se déroule dans le monde du curling.

Police montée, soldat canadien, curling: Paul Gross sait comment toucher la fibre de ses compatriotes, quitte à jouer sur les clichés. Et c'est de clichés dont il est question dans Gunless de William Phillips (Foolproof). Le comédien y incarne le Montana Kid, bandit américain en fuite qui se retrouve dans un minuscule village de 29 âmes au nord du 49e parallèle. Insulté par une boutade d'un de ses habitants, le Montana Kid, qui a l'habitude de tout régler à coups de revolver, a toutes les misères du monde à organiser un duel puisqu'il n'y a pas de pistolet dans la région!

«Dans ce film, nous confrontons deux mythes: celui voulant que les Canadiens soient polis, gentils, accommodants et sensibles, et celui voulant que les Américains soient durs et brutaux, toujours un fusil à la main, explique Paul Gross. La rencontre de ces deux mythes est une source d'humour.»

Paul Gross ne joue pas tant les Américains qu'un personnage caricatural sorti tout droit des westerns qu'il affectionnait quand il était jeune. «C'est une chance de pouvoir faire un western au Canada, ce qui n'est pas naturel pour nous, avoue-t-il. Disons que s'il existe des westerns spaghetti, nous avons créé un western rigatoni!»

Pourquoi y a-t-il si peu de héros de ce genre dans les films canadiens? «Je pense que c'est simplement une création hollywoodienne. Il n'y a pas de héros de ce type dans les autres cinématographies non plus. Les westerns sont une invention qui n'a rien à voir avec la réalité historique américaine. En fait, les États-Unis ont une culture mythologique. Cela fait partie de la façon dont ils se voient. Au Canada, nous ne suivons pas une mythologie dans notre façon d'aborder la réalité. Je crois que c'est la différence fondamentale entre nous.»

Prophète en son pays

Paul Gross a déjà travaillé aux États-Unis, mais il préfère être prophète en son pays. Il dit ne pas se sentir chez lui à Hollywood. Il doit donc fonctionner sans les gros budgets. Ayant tâté plusieurs métiers au cinéma, qu'a-t-il à dire sur la santé de l'industrie cinématographique canadienne? «Je ne sais pas si c'est pire ou mieux qu'avant. Nous avons parfois des films qui réussissent bien mais beaucoup d'autres qui ne réussissent pas. Au Canada anglais, nous regardons le Québec avec envie et jalousie parce que l'industrie cinématographique y est en santé, les gens vont voir les films. C'est difficile de faire un film pour le public anglophone, qui ne fait pas la différence entre un film canadien et un film américain. Parfois, on se dit que si nous parlions une autre langue, ça nous aiderait!»

Selon lui, l'avenir est à la coproduction: le cinéma étant un art coûteux, il sera de plus en plus difficile d'avoir des budgets suffisants en se limitant aux subventions, dit-il. «Et puis, dans ce type de financement, il faut s'adresser aux bureaucrates plus qu'aux spectateurs. Ce qui est un gros problème, à mon avis, car nous montons des projets d'abord pour être acceptés par le financement, ce qui nous déconnecte du public.»

Gunless prend l'affiche le 30 avril.