La belle visite, de Jean-François Caissy, propose une immersion dans une pension de vieillesse. Vivre en attendant de mourir...

À Carleton, en Gaspésie, un ancien motel a été transformé en pension de vieillesse. Des hommes et des femmes y habitent, s’y ennuient et y meurent en silence, loin des regards et du tourbillon de la vie active.

C’est là que le réalisateur Jean-François Caissy a choisi de tourner La belle visite, qui prend l’affiche ces jours-ci à Montréal, après une trempette dans le circuit des festivals internationaux. Ce documentaire maîtrisé a été le seul film canadien sélectionné à la dernière Berlinale (présenté dans la section Forum réservée à l’avant-garde), et a été projeté en primeur aux derniers Rendez-vous du Cinéma québécois, où il a reçu le Prix spécial du jury.

Beau début de carrière pour un film pas nécessairement commercial. Plongée en apnée dans le quotidien d’un foyer pour personnes âgées, La belle visite n’a rien à voir avec la majorité des documentaires «funky», «sexy» ou même militants qui ont l’habitude d’attirer l’attention. Mais Jean-François Caissy y croyait. Et qu’importe si le sujet n’était pas très vendeur.

«C’est vrai qu’à la base, ce n’est pas très attirant pour la majorité du public. Il n’y a rien de captivant de prime abord. Et cela demande un certain effort d’écoute, lance le réalisateur de 32 ans, qui est lui-même originaire de Carleton. Mais je voulais avant tout proposer une immersion dans un lieu. Or, ce lieu était très inspirant pour moi. Dès que j’y ai mis les pieds, l’endroit m’a habité. J’ai senti que le temps s’y était arrêté.»

Pour Caissy, qui souhaitait faire un film sans précipitation, le sujet était tout indiqué. Le tournage s’est échelonné sur cinq saisons et la production du documentaire sur plus de deux ans.

Ce rythme lent a permis au réalisateur de mieux capter le quotidien de ces «bénéficiaires» en fin de vie, qui trompent l’ennui comme faire se peut. Certains écoutent les avis de décès à la radio, d’autre se font dorloter par l’infirmière ou récitent le «Je vous salue Marie» en groupe.

Les longs plans silencieux, sans narration, ajoutent au réalisme du film. On a parfois l’impression d’y être.

Mais entre les murs de cet ancien motel, l’attente semble lourde. Au delà des images, superbes et poétiques, La belle visite reste avant tout un film sur l’antichambre de la mort. Et si la grande faucheuse n’y est jamais clairement mentionnée, son ombre plane sur tout le documentaire. Selon le réalisateur, la moitié des protagonistes seraient d’ailleurs décédés en cours de tournage…

Faut-il y déceler une subtile critique de notre société? De cette discutable façon que nous avons de «parquer» nos aînés dans des mouroirs sans âme? Caissy s’en défend. Son but, n’était pas de passer un message, mais de «provoquer une rencontre» entre le spectateur et le sujet. «À chacun d’y voir et d’en retirer ce qu’il veut», dit-il.

Et qu’en a-t-il retiré, lui, le jeune homme de 32 ans? «Une plus grande conscience du présent, répond-il. Et peut-être une certaine sérénité face à la vieillesse.»

Lancé cinq ans après La saison des amours, La belle visite est le second documentaire de Jean-François Caissy.

Tout juste revenu du festival Vision du réel en Suisse, le réalisateur s’apprête à repartir pour les Hot Docs de Toronto, puis au Doxa de Vancouver. Il prépare actuellement un troisième documentaire et a déjà commencé à écrire son premier long métrage de fiction qui n’est pour l’instant «qu’un paquet de feuilles».

Sa vie à lui ne fait que commencer.

LA BELLE VISITE, documentaire de Jean-François Caissy. Au Cinéma Parallèle