Un jour de 2006, Michael Douglas et le producteur Edward R. Pressman sont allés voir Oliver Stone et lui ont proposé de refaire un nouveau film sur Wall Street en reprenant quelques-uns des personnages du film à succès d’il y a 20 ans. Dont, évidemment, le célèbre requin de la finance Gordon Gekko. Lequel avait valu à Michael Douglas l’Oscar du meilleur acteur à l’époque.

«Je ne voyais alors ni l’intérêt ni la pertinence de glorifier le monde de la finance, a déclaré hier le cinéaste au cours d’une conférence de presse.

D’autant plus qu’il y a un élément qui nous a tous pris de court au moment de la sortie du premier film. Dans les grandes écoles d’administration, on a pratiquement fait de Gekko un héros.

Plusieurs de ces étudiants, qui sont au pouvoir aujourd’hui dans les grandes institutions financières, voulaient lui ressembler. L’avidité n’a jamais été aussi grande. Alors non, je n’avais pas envie de me lancer dans un film qui pourrait être perçu comme une célébration de cette culture-là.»

Puis vient le krach boursier de 2008. Les banques américaines demandent alors de l’aide à leur gouvernement, mais ne veulent pas avoir de  comptes à rendre. Le système est au bord du gouffre. Et attise la colère de la population mondiale.

«L’idée de ce film est alors devenue beaucoup plus intéressante, précise Stone. Un angle nouveau pouvait être emprunté. J’ai voulu demander conseil auprès des banques, mais elles m’ont toutes refusé l’accès. Seule la Banque Royale du Canada a collaboré. Il faut dire que le Canada est l’un des rares pays où la crise n’a pas été aussi grave qu’ailleurs.»

Au cœur du film, les relations familiales. Celles qu’entretient Gekko avec un nouveau protégé (Shia Labeouf), fils de substitution, tout autant que celles qu’il n’entretient plus avec sa fille (Carey Mulligan). Cette dernière, très engagée dans la protection de l’environnement, n’a pas revu son père depuis sa sortie de prison, il y a maintenant sept ans. Le fait qu’elle vive en couple avec le nouveau protégé de papa changera évidemment la donne.

Du coup, le cinéaste offre ici, pour le meilleur et pour le pire, un pur produit Oliver Stone. La critique sociale est grinçante (particulièrement sur le plan des trahisons en tous genres qui pullulent à Wall Street), mais les bons sentiments affluent, appuyés parfois par une partition musicale grandiloquente. Le réalisateur de W. n’a pu s’empêcher non plus d’offrir à son peuple un happy end dans la plus pure tradition hollywoodienne. C’est dommage. Ce film aurait pu avoir un impact tangible.

«Je suis aussi confus que tout le monde à propos du système capitaliste, indique le cinéaste. Une refonte du système est impérative, autant chez nous qu’ailleurs. Nous nous sommes soûlés en croyant que le système se corrigerait de lui-même. Il n’en est rien. Le fossé entre les riches et les gens de la classe moyenne ne cesse de s’élargir.»

«Personnellement et professionnellement, ma vie va bien, ajoute Michael Douglas. En tant qu’ambassadeur de l’ONU, je suis toutefois à même de constater à quel point la situation est préoccupante. On se demande vraiment où s’en va le monde.»

Wall Street: Money Never Sleeps, présenté ici hors concours, prend l’affiche chez nous le 24 septembre.

Le choc 

Xavier Dolan a à peine esquissé quelques pas sur la Croisette à son arrivée hier avant d’encaisser son premier choc. «J’ai vu mon nom bien en vue sur l’immense affiche regroupant les noms de tous les cinéastes de la sélection officielle à l’extérieur du Palais des festivals, raconte-t-il. J’avoue que j’en suis resté un peu figé. Je ne sais trop si c’est parce que mon prénom commence par un "X", une lettre plus visible qui vaut si cher au Scrabble, mais ça attire l’œil. D’autant plus qu’il est placé tout juste en dessous de celui de Woody Allen!»

Les amours imaginaires, le deuxième long métrage du jeune cinéaste qui s’était distingué l’an dernier à la Quinzaine des réalisateurs grâce à J’ai tué ma mère, est présenté aujourd’hui dans le programme Un certain regard, «l’autre» section officielle du Festival.