Il s’est passé de longues années avant que le parcours de la cinéaste Lucie Lambert, originaire de la Côte-Nord, croise celui de la nation innue, établie dans cette région. Sa rencontre avec Anne-Marie, une enseignante autochtone, a tout changé. Et donné naissance à son plus récent documentaire. Portrait de la communauté d’Uashat-Malioténam à travers le regard d’une femme blessée.

L’entrevue était presque terminée lorsque la cinéaste Lucie Lambert a laissé tomber une petite phrase résumant tout le reste. «Mon premier rapport avec eux ne s’est pas établi sur la base qu’ils sont autochtones, mais parce qu’ils sont devenus des amis.»

C’est cette amitié qui, foi de Lucie Lambert, est au cœur de la genèse et de la réalisation de sa dernière œuvre, Aimer, finir, un documentaire de 52 minutes centré sur la communauté innue d’Uashat-Malioténam, voisine de Sept-Îles.

Aimer, finir est un film tantôt très dur, tantôt plein de tendresse qui, à travers le regard d’Anne-Marie St-Onge André, porte un regard tout en retenue sur le territoire de cette communauté et son histoire. Un film enraciné dans le territoire autochtone, où les bruits de l’eau, de la forêt, de la terre et du vent servent en partie de trame musicale.

«Je voulais faire un film pour faire connaître la communauté, pour aider à briser la petite frontière mentale qui souvent, nous empêche de l’approcher, explique la cinéaste. Mais je n’ai pas seulement voulu faire qu’un film sur les autochtones. Si j’avais voulu faire cela, j’aurais par exemple introduit de la musique autochtone. Or, j’ai plutôt choisi une chanson de Bob Dylan (interprétée par Claude McKenzie).»

Née aux Escoumins, Lucie Lambert a réalisé son premier film en 1989. Depuis, la Côte-Nord tient lieu de décor de sa cinématographie. C’est en réalisant, en 2004, son cinquième film, Le père de Gracile, que son chemin croise celui d’Anne-Marie St-Onge André, une enseignante, son mari Jacques et d’autres membres de la communauté.

«Jusque-là, je ne connaissais pas les Innus, raconte la cinéaste en entrevue dans un café de la rue Masson. On peut passer une vie, côte à côte, sans se fréquenter.»

Rencontre-choc

Dans son cas, la rencontre a été un choc. La cinéaste s’est reconnue dans la réalité et l’histoire des Innus. «Nous avons partagé le même territoire d’enfance. Nous avons sentis les mêmes odeurs.»

Aimer, finir aborde l’incontournable question des relations entre Blancs et autochtones, les problèmes de santé et de dépression de ces derniers, la souffrance, l’isolement.

Ici, ces questions se fondent à travers d’autres éléments du quotidien. C’est par bribes, par phrases hachurées, murmurées du bout des lèvres qu’Anne-Marie raconte la descente aux enfers de Jacques, son conjoint mort en 2004. Quelques images d’époque laissent également la parole à cet homme qui a vécu la violence des pensionnats dans sa jeunesse.

Lucie Lambert refuse cependant de s’enfermer dans ce côté noir des choses. Elle retient des Innus leur capacité à prendre la vie avec un grain de sel. «Ces gens-là sont des poètes, dit-elle. Ils sont extraordinaires. Ils ont toujours des choses à raconter. Il y a tellement d’humour, d’autodérision dans leur façon d’être.»

Précis du quotidien

En complément, les cinéphiles verront Précis du quotidien, un court métrage de 25 minutes tournée à l’été 2001 sur les berges du Saint-Laurent alors que Lucie Lambert était en vacances avec ses enfants.

Dans ce film, la cinéaste jette un regard d’une tendresse inouïe sur ses enfants. Utilisant différentes techniques, faisant des allers-retours entre la couleur et le noir et blanc, la réalisatrice concocte un collage, très ludique, à partir de fragments de ces journées intimes, marquées par une averse, des courses sur la plage, le bricolage de frêles bateaux et de soupers aux pâtes. Parfois, la caméra se tourne vers l’horizon traversé de grands navires sur leur erre, question de dire qu’il y a aussi une vie ailleurs.

Il y a une fragilité certaine dans ce portrait. Mais l’ensemble reste réjouissant. Lucie Lambert le reconnaît d’emblée. «C’est comme un cadeau que je fais au monde.»

Aimer, finir est à l’affiche au Cinéma Parallèle.