Angelina Jolie était probablement la seule actrice qui pouvait porter sur ses épaules le poids d'un thriller tel Salt. Pour l'occasion, elle retrouve le réalisateur de The Bone Collector, Phillip Noyce. Ensemble, ils ont fait subir un changement de sexe (!) au personnage principal de cette histoire de possible espion dormant installé par la Russie à Washington, D.C. À la lumière de ce qui s'est récemment passé aux États-Unis, la fiction rejoint ici la réalité.

C'était il y a quelques années. Angelina Jolie discutait avec la productrice Amy Pascal qui tâtait le terrain: serait-elle intéressée à être d'un nouveau James Bond? La comédienne n'a pas hésité: bien sûr, à condition d'être Bond. Et il y a eu ce coup de fil, il y a trois ans. La productrice avait trouvé «le James Bond» d'Angelina Jolie, «mais il s'appelle Evelyn Salt», s'amusait l'actrice lors d'une rencontre de presse tenue la semaine dernière à Washington D.C., à l'occasion de la sortie prochaine de Salt de Phillip Noyce, où elle incarne le rôle titre. Un film dans lequel elle croit assez pour avoir accepté - et semble-t-il même proposé - de rencontrer les journalistes en petits groupes plutôt qu'en conférence de presse, comme c'est désormais la norme pour les stars. Elle y croit, entre autres, parce qu'elle s'est beaucoup investie dans le projet. Ne serait-ce que parce que Salt a changé de sexe «à cause» d'elle. Pendant cinq ans et demi, raconte le producteur Lorenzo di Bonaventura, «tous les studios ont reçu le scénario et ils l'ont tous refusé au moins deux ou trois fois. Ça avait été la même chose avec The Matrix et, à la limite, je pouvais comprendre pourquoi. Mais là, vraiment, c'était un mystère. Nous leur présentions une version contemporaine d'un genre ancien». Dans un Hollywood en mode recyclage, quel était le problème?!

L'histoire? Un agent de la CIA est pointé comme étant un espion dormant oeuvrant pour la Russie. Il se sauve, est traqué par ceux qui étaient ses collègues, pose des gestes qui indiquent... quoi? Qu'il est vraiment un traître? Ou qu'il tente de prouver son innocence? Réponse en fin de parcours. On n'est ni dans les méandres de The Matrix ni dans le labyrinthe d'Inception.

La tête d'affiche? Pendant un temps, Tom Cruise a été, plus ou moins officiellement, attaché au projet. «Lui et tous les usual suspects», souligne le réalisateur Phillip Noyce (Patriot Games, The Quiet American). Ce qui n'est pas rien.

Pourtant, pas d'intérêt. «C'est là qu'Amy Pascal est arrivée avec son idée: et si on proposait le rôle à Angie? J'ai hésité pendant 15 secondes. Ensuite, j'ai su que c'était la chose à faire.» Il suffisait alors de convaincre la principale intéressée. Producteurs, réalisateur et scénariste ont pris l'avion pour le sud de la France. Pendant une semaine, dans le mas d'Angelina Jolie et de Brad Pitt, «nous avons bu leur vin, mangé leur fromage... et brassé des idées avec les six enfants qui courraient autour de nous».

Des idées, et un point de vue sur le récit, Angelina Jolie en avait. «L'acte final du scénario original nous montrait Salt qui avait finalement le courage de dire à son épouse et à son enfant qu'il les aime et qu'il va les protéger. Ça ne passait pas avec une femme dans le rôle. On tombait dans l'évidence», raconte Angelina Jolie - aussi somptueuse, sinon plus, qu'à l'écran et qu'en photo (oui, c'est possible, elle en est la preuve). Le terme movie star prend tout son sens en sa présence.

Exit l'enfant. Exit la douceur que l'on pourrait associer à la féminité. Salt est un agent formé pour, si nécessaire, tuer de sang-froid. Son «changement de sexe» ne devait pas altérer cela. Mais il a altéré tout le reste. «Nous traquons une femme. Cela modifie automatiquement beaucoup de choses quant à la perception que le public aura de cette chasse - et du film», croit Liev Schreiber, qui incarne le patron de Salt.

«L'histoire de base a eu beau rester la même, la présence d'Angie en tête de distribution a tout teinté différemment, ajoute Phillip Noyce. Le récit est devenu plus original. Les relations entre les personnages, plus profondes et émotives. Les scènes d'action, plus excitantes à cause de la collision entre ces hommes et cette femme, si belle en plus, qui ne se laisse pas faire.»

«Une actrice accomplie»

L'admiration du réalisateur pour celle qu'il a dirigé il y a 10 ans dans The Bone Collector, saute aux yeux. «C'était une actrice accomplie, déjà à l'époque, mais elle était totalement inconnue. La célébrité ne l'a pas changée. Elle a gagné en expérience, oui. Mais, comme autrefois, elle n'a peur de rien et elle est prête à tout essayer - alors que bien des acteurs, quand ils deviennent célèbres, deviennent beaucoup plus conservateurs dans leurs choix.»

Pour lui, Angelina Jolie, comme Harrison Ford ou Nicole Kidman, ont ce talent de «grand conteur»: «Ils ne sont pas passifs, ils sont partout dans l'histoire. Ils ont ce besoin d'être des showmen... mais dans un sens ancien du terme - à la manière de ceux qui faisaient ce métier avant la télévision et la célébrité. L'important pour eux, c'est de créer un lien avec le public.»

Remarque d'autant plus intéressante qu'elle va dans le sens de ce qu'Angelina Jolie dira un peu plus tard. À un journaliste qui lui demande si elle aimerait tourner encore en compagnie de Brad Pitt, elle rappelle d'abord qu'ils ont décidé d'alterner les projets afin que l'un d'entre eux puisse être avec les enfants. «Mais il y a aussi le public. Jusqu'où pouvons-nous aller, jusqu'où les spectateurs seraient-ils à l'aise de nous suivre à l'écran, de croire en nos personnages?» conclut celle qui, dans la vie, a appris à faire comme Salt: «Baisser la tête et faire ce qui doit être fait.»

Elle accompagne cette conclusion d'un sourire félin, faisant référence aux hommes armés (de caméras et d'appareils photo) qui la poursuivent - un peu comme d'autres, pistolets à la main, traquent son personnage.

Salt (Salt en version française) prend l'affiche le 23 juillet

Les frais de voyage ont été payés par Columbia Pictures