Dans ce deuxième volet du diptyque consacré à Jacques Mesrine, le réalisateur Jean-François Richet a pu relever les nombreuses contradictions de l'homme tout en s'attardant à la dimension politique de l'histoire du célèbre criminel français.

Selon le réalisateur Jean-François Richet, un criminel comme Jacques Mesrine ne pourrait plus exister aujourd'hui. «Tout simplement parce qu'il n'y a plus d'argent dans les banques! dit-il. Les criminels opèrent maintenant de façon plus discrète, devant un écran d'ordinateur. L'aspect plus romanesque est complètement évacué. Mesrine aimait bien mettre sa vie en scène, manipuler les médias, narguer les autorités. Il revendiquait sa notoriété.»

Dans L'ennemi public no1, dernier volet du diptyque consacré au célèbre gangster français, la mégalomanie du personnage, déjà assez présente dans L'instinct de mort, atteint en effet des sommets. Dès son retour en France, après un passage très remarqué au Québec, Mesrine deviendra -il fera tout pour cela- l'un des personnages publics les plus reconnus, nourrissant lui-même sa légende, notamment à travers ses écrits.

«Là résidait d'ailleurs le danger le plus grave, estime Jean-François Richet. Quand le producteur Thomas Langmann m'a proposé de réaliser ces longs métrages, j'ai tout de suite posé deux conditions. Il était d'abord essentiel que Vincent Cassel tienne le rôle; je ne faisais pas le film sans lui. Ensuite, j'ai exigé qu'on reprenne tout depuis le début. Le scénario auquel ont travaillé d'autres équipes n'était pas du tout satisfaisant à mes yeux. Et il posait un problème moral grave, car on y faisait de Mesrine un superhéros. Oui, étrangement, ce personnage a un côté lumineux. Mais il fallait aussi montrer sa vraie nature, son côté sombre, ses pulsions violentes. Il pouvait être charmeur mais parfaitement odieux aussi.»

Une fiction basée sur des faits

Depuis 30 ans, de nombreux ouvrages ont été publiés sur la vie de Mesrine. Ses faits d'armes sont aussi très bien documentés, ayant notamment fait l'objet d'innombrables reportages. Richet a pratiquement tout lu, tout vu sur le sujet. Son coscénariste Abdel Raouf Dafri (Un prophète) a fait de même.

«Mesrine est un film de fiction dont le scénario s'appuie quand même sur des faits, explique le cinéaste. Il existe évidemment plusieurs interprétations, mais Abdel et moi avons principalement utilisé ce qui, dans la vie de Mesrine, était suffisamment bien documenté. Comme des points en commun qui revenaient dans toutes nos lectures.»

À vrai dire, Richet a trouvé dans le parcours du gangster une matière tellement riche qu'il aurait au départ voulu se lancer dans une trilogie plutôt que dans un diptyque.

«Le budget étant déjà fixé à 45 millions d'euros, il a fallu s'entendre rapidement sur l'idée de deux longs métrages, explique-t-il. À l'arrivée, je suis très heureux de cette décision. D'autant plus que j'ai pu satisfaire mes besoins de mise en scène à travers deux films de factures totalement différentes, qui se complètent pourtant très bien. L'instinct de mort emprunte un modèle beaucoup plus classique. Et n'existe que pour faire exploser L'ennemi public no 1, beaucoup plus déstructuré. Les styles des films suivent de très près l'évolution du personnage.»

Une dimension politique

Les circonstances de la mort de Jacques Mesrine amènent aussi le propos sur le terrain politique. Non seulement le criminel évolue-t-il à une époque -les années 70- où la France est encore sous le joug d'un conservatisme bon teint, mais la manière que les autorités policières ont utilisée pour éliminer le personnage ont aussi créé la controverse. En plein jour, alors que Mesrine attendait le feu vert au volant de sa voiture au carrefour de la porte de Clignancourt à Paris, des policiers embusqués dans un camion ont tiré sur lui à bout portant.

«Au-delà du film, il y a toujours cette polémique qui perdure et j'avoue qu'elle m'intéresse particulièrement, déclare Richet. Vous avez ici un type qui a été exécuté en pleine rue par l'État, à la fois exécuteur et juge en même temps!»

Même si les moyens pour éliminer le gangster furent éminemment contestables, Mesrine était parfaitement conscient du sort qui l'attendait. «Il savait très bien que le prix à payer pour ses crimes était de mourir comme un chien, fait remarquer le cinéaste, lauréat du César de la meilleure réalisation en 2009 grâce à ce diptyque. L'ennui, c'est qu'il se voyait davantage à la fin comme une victime du système judiciaire. D'où le danger. Cela me trouble beaucoup de savoir que certains jeunes dans les banlieues et les quartiers défavorisés font aujourd'hui de Mesrine un héros à cause de son côté rebelle et anarchiste. Il était très charismatique, c'est vrai, et on peut éprouver une vraie fascination pour le personnage. Mais ça ne l'excuse en rien. J'ai surtout essayé de le comprendre, de le suivre dans sa trajectoire sur le plan psychologique. Mesrine était un individu qui se révélait dans l'action, qui avait continuellement besoin de sa poussée d'adrénaline.»

Tout comme Vincent Cassel, Jean-François Richet a «habité» son film pendant neuf mois. «Un cinéaste doit s'investir autant que l'acteur dans son rôle. On ne fait que ça. On dort à peine. Travailler avec Vincent fut très stimulant. Même si je le connais depuis une quinzaine d'années, je n'arrivais plus à me souvenir comment il était auparavant, tellement il a fait sien le personnage. Encore aujourd'hui, alors qu'il a repris son allure «de Vincent», j'ai l'impression de ne plus avoir le vrai en face de moi. C'est très troublant!»

Mesrine: L'ennemi public no 1 prend l'affiche le 27 août.