Un adolescent mal dans sa peau décide de se faire interner dans une institution psychiatrique. Pour une semaine seulement. Mais une semaine qui va changer sa vie. Oui, «it's kind of a funny story» que cette histoire aigre-douce qu'ont réalisée Anna Boden et Ryan Fleck et que le jeune Keir Gilchrist porte sur ses épaules. Rencontres.

Une chose était sûre dès le départ pour Anna Boden et Ryan Fleck, les scénaristes et réalisateurs de Half Nelson et Sugar, quand ils se sont lancés dans l'aventure It's Kind of a Funny Story: «Nous voulions un adolescent pour interpréter le rôle de Craig, et non un acteur dans la vingtaine qui a l'air d'un adolescent», a indiqué Ryan Fleck, dans l'entrevue qu'ils ont accordée à La Presse en septembre, pendant le Festival international du film de Toronto.

Peut-être parce qu'ils sont, aussi, documentaristes, et que le poids de la vérité leur importe; et surtout «parce que la voix d'un adolescent n'est pas celle d'un jeune adulte. Il y a une façon d'être, profondément, une allure, une pensée que l'on perd, vite, en quelques années», poursuit le réalisateur, avant d'admettre qu'il n'a pas été facile de trouver «leur» Craig. «Nous avons vu beaucoup de jeunes excellents acteurs mais on ne peut pas dire que la compétition a été forte une fois que nous avons trouvé Keir (Gilchrist): personne n'était aussi parfait dans sa manière de se tenir, de porter et d'être le personnage. Il a apporté beaucoup de lui-même au rôle», ajoute Anna Boden.

Ce qui, de la bouche même du principal intéressé, qui avait 17 ans au moment du tournage alors que son personnage en a 16, n'était pas très compliqué. Pour lui. «Je n'ai pas eu à chercher très loin pour trouver Craig. Ce gars existe dans tout jeune qui va à l'école, qui veut plaire à ses parents et qui est désespérément amoureux de quelqu'un qui n'en a rien à faire de lui», explique celui que l'on connaît comme le fils de Toni Collette dans la série United States of Tara.

Il n'a par contre jamais été assez désespéré au point de penser au suicide, encore moins pour presque passer à l'acte - puisque c'est ainsi que s'ouvre It's Kind of a Funny Story. Avec Craig qui dépose son vélo sur le pont de Brooklyn. Qui grimpe sur le parapet. Et, finalement, ne saute pas. Mais aurait pu. Décide alors, ébranlé par son propre geste, d'aller se faire interner pour une semaine dans un institut psychiatrique.

«C'est un film sur l'adolescence très différent des films pour adolescents, assure le jeune comédien. Il y est question de choses dramatiques et de choses beaucoup plus légères, mais pas l'une après l'autre. C'est tout le temps dramatique et drôle.» Une folie aigre-douce dite dans un film aigre-doux, quoi. Le tout, fruit du travail d'écriture et de réalisation d'Anna Boden et Ryan Fleck. Mais, avant cela, de la vie de Ned Vizzini. Qui a raconté son expérience, en se donnant la liberté de la fiction, dans le livre ici librement adapté.

Aigre-doux

L'aigre et le doux, dans la version Boden-Fleck, est particulièrement bien illustré par les personnages qu'incarnent Emma Roberts qui, dans la peau de Noelle, jeune fille aux poignets tailladés, fait avec succès ses premiers pas hors du cercle rassurant du film familial; et Zach Galifianakis, étonnant dans le personnage de Bobby, lui aussi patient de l'institution qui se liera d'amitié avec Craig.

«Zach a vu et aimé Half Nelson et, quand nous lui avons envoyé le scénario, il n'a pas hésité, il avait envie de travailler avec nous, se souvient Ryan Fleck. On a alors rencontré un gars amusant, charismatique, formidable. Autant de choses qui ne sautent pas aux yeux quand on le voit à l'écran, parce que les personnages qu'il incarne, s'ils sont drôles, le sont d'une manière un peu inquiétante et tordue. Nous voulions ce côté étrange pour Bobby, mais aussi la chaleur de Zach.»

Une chaleur dont le comédien, que l'on verra prochainement aux côtés de Robert Downey Jr. dans Due Date de Todd Phillips et qui incarne un illustrateur de comic books sexuellement au régime dans la non-ennuyante série Bored to Death, n'est pas avare dans la vie. Il faut le voir arriver tel un ouragan dans la salle où se déroule l'entrevue avec les réalisateurs, faire la bise à l'un et à l'autre. Échanger quelques commentaires sur le déroulement de la journée, rire un peu, parler fort. Avant de disparaître aussi soudainement qu'il est apparu. Laissant derrière lui chaleur et sentiment d'étrangeté, deux réalisateurs souriants. Et une journaliste interloquée. C'est, ça, l'effet Galifianakis.

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It's Kind of a Funny Story prend l'affiche aujourd'hui.