Pour Patrick Demers, réalisateur du film Jaloux, il n'y a rien de mieux qu'un séjour à la campagne rencontrer ses instincts. Instincts qui ne constituent pas toujours le beau côté d'une personnalité. C'est le cas de Thomas, Marianne et Benoît, principaux personnages de son film qui a le don de brasser le spectateur dans ses certitudes.

Jaloux, tout premier long métrage de Patrick Demers, a tout d'un conte de Grimm couplé à une séance de thérapie collective.

Le conte d'abord. Il était une fois deux êtres, Thomas (Maxime Denommée) et Marianne (Sophie Cadieux), partis à la campagne dans l'espoir de rafistoler leur couple. Après un bête accident, ils s'enfoncent dans la forêt jusqu'à leur chalet où ils rencontrent Benoît (Benoît Gouin), bien étrange et menaçant personnage dont la présence va faire dévier leurs plans.

La séance de thérapie collective maintenant. Hum! Comment dire... Comme dans toute bonne analyse, mieux vaut découvrir soi-même les réponses. À vous donc, cinéphiles, d'aller voir de quoi il en retourne. Car si Jaloux explore effectivement les méandres de ce sentiment hostile, il aborde peut-être davantage la question des perceptions, de cette tendance manichéenne à classer les bons et les méchants.

La nature constituait un canevas idéal pour énoncer ce que le réalisateur voulait dire. «La forêt, c'est le monde de la fable et du conte. Les personnages de la ville sortent de chez eux et vont à la rencontre de leurs instincts, dit Patrick Demers en entrevue. Nous venons de la nature et en faisons partie. Je trouvais que c'était une bonne façon d'explorer ce thème de la jalousie, qui est un peu tabou. C'est difficile d'admettre qu'on est jaloux. Ce n'est pas quelque chose qu'on aime chez nous-mêmes. C'était donc un sujet intéressant à explorer dans le cadre d'un thriller.»

Parce que thriller il y a! Comme le fait remarquer le comédien Benoît Gouin, le spectateur, témoin des confrontations de ce triangle amoureux disloqué que forment Thomas, Marianne et Benoît, sera lui aussi mis en situation de déséquilibre jusqu'au générique de fin. «Le scénario demande au spectateur d'être vigilant, dit Gouin. Il fait appel à son intelligence et à son plaisir pur de se faire raconter une histoire. On ne l'abandonne pas. On le surprend jusqu'à la fin.»

Improvisation

Tourné en 16 jours à l'été 2008, Jaloux a été créé avec un très petit budget, un gros travail de construction en amont et une bonne dose d'improvisation au moment du tournage.

Mais attention, improvisation n'a pas ici une connotation péjorative du genre «bâclé».

«Il faut prendre le mot dans le sens de l'improvisation du jazz, dit Patrick Demers. On était comme un band qui fait de la musique. Quand on improvise en jazz, il y a une base, une structure autour de laquelle on improvise. Nous avons fait la même chose. On a conçu l'histoire et les personnages en en parlant, j'ai écrit une scène à scène pour organiser le tournage. L'improvisation fait partie de la collaboration faite avec les comédiens.»

Benoît Gouin a adoré ce travail de création sur le terrain. «Nous étions tous dans le vertige. C'était une expérience organique», dit-il.

Comme toute l'équipe demeurait sur les lieux de tournage et comme le film a été tourné en numérique, comédiens et réalisateur pouvaient tout de suite évaluer le travail de la journée, apporter des changements, discuter de nouvelles idées. «Le soir, on regardait nos rushes, on voyait ce qui marchait et ce qui ne marchait pas et cela influençait la journée du lendemain. C'était intéressant», dit Maxime Denommée.

Ce dernier et Sophie Cadieux ont remarqué que la méthode de travail employée a permis de resserrer le jeu de chacun.

«Lorsqu'on est sur scène, c'est par la parole que l'on fait exister un lieu, un espace, une situation, dit la comédienne. Nous avons commencé de la même façon en amorçant le film. On ne faisait pas confiance aux silences et on nommait constamment les choses. Mais dès qu'on s'est mis à regarder les rushes, on s'est aperçu qu'on n'avait pas besoin d'en donner tant que ça. Il fallait davantage aller chercher l'émotion dans la précision de l'ambiance, des regards, de l'état tout en allant dans l'essentiel de la parole.»