Photographe doué, portraitiste exceptionnel, musicien à ses heures, lecteur vorace et ardent défenseur de la connaissance, John Max fut, durant toute sa vie, un être entier, sans compromis et vivant en marge des modes de vie admis.

Poursuivant son rêve de fonder une communauté d'amis à la campagne, il a accumulé, durant près d'un demi-siècle, une hallucinante collection de documents qui, additionnés à des milliers de photographies et de planches contacts, ont transformé son appartement du boulevard Rosemont en un incroyable et étouffant capharnaüm. Jusqu'au jour où il fut expulsé. Dans un documentaire sensible, sobre mais sans complaisance, le cinéaste et photographe Michel Lamothe pose un regard d'une grande humanité sur John Max, sa vie et ses réflexions. M. Lamothe a répondu à nos questions.

Q: Comment avec-vous fait connaissance avec John Max?

R: Je l'ai connu lorsque j'étais étudiant en cinéma au collège Loyola (aujourd'hui l'Université Concordia). Je ne l'ai pas eu comme professeur, mais Charles Gagnon, qui nous enseignait, nous parlait de lui avec chaleur. Quelques années plus tôt, il avait réalisé sa célèbre exposition Open Passeport et il était comme un héros pour nous. Puis, il est parti quelques années au Japon. À son retour, il a fait une exposition à la galerie Dazibao la même année que moi. Il m'a donné un coup de main et nous sommes devenus amis. Il a commencé à me photographier et m'a inclus dans sa liste de gens qu'il photographiait sans arrêt.

Q: Pourquoi ce documentaire?

R: J'ai longtemps eu l'idée de faire ce film, mais John a hésité longtemps avant d'accepter. Je l'admire comme photographe et comme personne. Sa façon de voir les choses est différente de toutes les autres. J'aime son indépendance et sa liberté. Il est comme un chat. Il dort le jour et, tard en après-midi, il sort avec son sac, faire sa tournée d'où il revient avec des livres. Quant à son oeuvre, elle est unique. La photographie n'est jamais devenue un art très recherché par les collectionneurs, mais, si John avait été peintre, il serait un Borduas, un Riopelle d'aujourd'hui.

Q: Comment qualifier sa photo?

R: J'aime la sensibilité qu'il porte aux êtres. John n'est pas un photographe prédateur. Il est tout le contraire. Il capte l'intérieur des gens. Il réussit à faire en sorte que les gens se livrent à lui devant la caméra.

Q: Votre film n'évoque-t-il pas aussi l'importance de conserver les archives?

R: Oui (réponse hésitante et évasive). John conservait les choses dans l'espoir de se retirer à la campagne, mais tout cela a débordé. Il n'avait plus le contrôle sur la gestion de ses documents qu'il amassait aussi pour les partager. Beaucoup de ce qu'il a amassé se retrouve aujourd'hui sur l'internet. Par contre, en ce qui concerne ses archives professionnelles, ses photos et tout le reste, vous avez raison. Elles ont été préservées. Elles se trouvent en lieu sûr, dans un musée, quelque part au Canada. Mais je ne peux vous en dire plus.

Q: Comment vit John Max aujourd'hui?

R: Il fait toujours la même chose. Il habite dans une chambre, chez des amis, sur le Plateau Mont-Royal, pas très loin de la maison où il est né. Il souffre un peu des poumons (Max, qui a 75 ans, est un éternel fumeur), mais il se promène toujours, avec une petite valise, à la recherche de livres. Et il continue à prendre des photos.

John Max, A Portrait, est présenté à partir du 25 mars au Cinéma Parallèle.