«Hi-hon! Hi-hon! Hi-hon!» Dans les faubourgs de Kinshasa, les enfants sont joyeux. Lorsqu'ils aperçoivent notre camionnette s'échiner sur une route de terre cahoteuse, ils crient ce son librement inspiré du traditionnel «ni hao» - «bonjour» dans la langue de Mao.

«Ils vous prennent pour des Chinois», rigole notre chauffeur en nous emmenant vers le parc M'Budi, théâtre du tournage de quelques scènes du film Rebelle de Kim Nguyen.

Les Chinois, en effet, sont nombreux dans la capitale où ils reconstruisent les infrastructures. Après des décennies de dictature et de guerre, l'économie du Congo est à terre. Mais pas le moral des gens.

Dans les rues, vaste fouillis d'étals fatigués et multicolores, on sourit, on envoie la main. Les femmes sont belles, les hommes coquets.

«Le Congo, c'est de la chaleur, beaucoup de chaleur», dira plus tard Kim Nguyen en entrevue. L'authenticité du peuple congolais est à l'image du souffle qu'il veut donner à son quatrième long métrage. Un virage important dans sa carrière de cinéaste.

«Après le tournage de La cité [son film précédent], j'ai décidé de casser le moule, explique Nguyen. Il était temps pour moi de revenir à la source de ce qui m'a amené au cinéma: la photo et écrire des histoires.»

Le réalisateur estime que dans l'acte cinématographique québécois, certains aspects sont trop préparés. «On perd nos instincts, dit-il. Je crois que c'était le cas avec La cité. Le film est devenu un peu manichéen. Il ne respirait pas. Je crois l'avoir sur-écrit.»

De ces réflexions, il a voulu privilégier la spontanéité du geste. «En tournant une scène, je ne veux pas penser à la prochaine, à la journée du lendemain. Je veux être dans l'authenticité du moment présent, faire confiance au scénario. Je veux tourner comme un photographe travaille et croquer des moments qui se passent devant nous.»

Aventure humaine

Du même souffle, le réalisateur de 37 ans manifeste son désir de vivre une aventure plus humaine, ce que lui ont donné le personnel embauché sur place et la population.

Rebelle raconte l'histoire de Komona, jeune fille de 12 ans embrigadée de force dans une armée de rebelles. Forcée de coucher avec le commandant, elle tombe enceinte. Malgré une histoire d'amour qu'elle vit avec «Le Magicien», un autre adolescent, elle entreprend un long périple de retour dans son village. Komona narre ce récit au bébé à naître.

Des 38 comédiens au générique, 34 sont Congolais. À commencer par Rachel Mwanza, interprète de Komona, une adolescente au bagage cinématographique très limité, mais dont le visage perce littéralement l'écran, assure le réalisateur. «Sans elle, le film n'existerait pas», dit Nguyen.

La production a embauché près de 1300 figurants pour les besoins du tournage. La majorité des scènes ont été tournées en extérieurs, certaines alors que la population, curieuse, assistait aux prises.

«Dans le quartier populaire de Binza, nous avons bloqué certains angles de rues pour les besoins du tournage, raconte le régisseur Sébastien Maître. Les gens restaient agglutinés à des endroits délimités pour nous regarder faire. Mais ils ne connaissaient pas le langage cinématographique. «Silence! Action! Coupez!» Ça ne leur disait rien. Alors, ils continuaient à parler durant la première prise. Ensuite, on a expliqué ce qui se passait. À la deuxième prise, le silence sur le plateau était complet. Nous pouvions tourner. Dès qu'on disait «Coupez!», ils se mettaient tous à applaudir!»

Les «Hi-hons» avaient bien travaillé.

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L'antagonisme enfant-soldat

Kim Nguyen a commencé à écrire Rebelle il y a 9 ans lorsqu'il a entendu parler de Johnny Htoo, un garçon birman forcé de devenir enfant-soldat et dont on disait qu'il était la réincarnation de Dieu. «Il prodiguait des enseignements et durant six mois, il n'est rien arrivé à l'armée à laquelle il appartenait, observe Kim Nguyen. J'ai été fasciné par ce mélange de désespoir qui fait qu'on se met à suivre les enseignements d'un enfant de 9 ans et ce paradoxe des enfants-soldats. C'est tout un antagonisme que les mots «enfants» et «soldats». Surtout de la façon dont on endoctrine les enfants pour rejoindre les armées.»

Les frais de ce reportage ont été payés par Métropole Films.