Le maître du film fantastique d’origine mexicaine Guillermo del Toro n’est pas un feignant, c’est le moins que l’on puisse dire. Réalisateur, producteur – du film d’horreur Don’t Be Afraid of the Dark, en salle vendredi prochain –, scénariste, romancier et bientôt producteur de jeu vidéo, le costaud gaillard n’a pas de temps à perdre : «Peu importe le titre ou la casquette, ce qui m’importe, c’est raconter une histoire», affirme le workaholic dans la suite d’un hôtel de Toronto, ville où il résidera pour la prochaine année afin d’y tourner son nouveau projet, Pacific Rim.

«Il y a plusieurs années, j’ai mis au point une méthode de travail qui fonctionne bien, explique Guillermo del Toro. Il faut compartimenter son temps. Je déteste ne rien faire. Par exemple, si j’ai un film en chantier, j’écris le scénario le matin. Puis je m’arrête pour écrire autre chose. Si j’ai une pause, je dessine. Ou je joue aux jeux vidéos avec ma fille. Ça, c’est si ma famille est avec moi. Lorsque je suis seul, je ne dors pas – I burn the midnight oil, full of Red Bulls... Il me faut être investi à 100 % dans le travail qu’il me reste à faire.»

Cette obsession du travail lui vient de ses débuts dans le cinéma, à Guadalajara. «Le jour, je vendais des voitures. Le soir, j’avais un boulot à la banque. La nuit, je faisais du cinéma grâce à l’argent que j’économisais. Toute ma vie, j’ai travaillé.»

Hyperactif

Faisons le compte. Il a terminé son boulot de scénariste pour la série The Hobbit dont Peter Jackson a amorcé le tournage – «les deux années que j’ai passées en Nouvelle-Zélande sont parmi les plus belles de ma vie», commente-t-il. Il a commencé la rédaction du dernier roman de la trilogie vampirique The Fall, avec l’auteur Chuck Hogan. Son remake de Frankenstein est bel et bien en chantier, confirme-t-il, «mais pas Godzilla; il ne faut pas croire toutes les rumeurs».

Mais avec Pacific Rim, on s’en approche tout de même. Del Toro se fait discret à propos de ce projet, se limitant à répéter ce qu’on sait pas mal déjà: «On verra d’immenses monstres affronter d’immenses robots», dit-il, le sourire dans la voix.

Il trippe bibittes, le bougre. Les grosses, les petites, du moment qu’elle frappent l’imaginaire. Il a épaté la galerie avec sa relecture sur grand écran du comic Hellboy, poétisé avec les créatures de son Pan’s Labyrinth. Celles qui peuplent la lugubre maison de Don’t Be Afraid of the Dark, film réalisé par le bédéiste Troy Nixey, auraient tout aussi bien pu être les siennes.

«Mon rôle pour ce film était de fournir les meilleures ressources possible à Troy: un bon directeur photo, le meilleur chef décorateur, l’actrice qu’il lui fallait, des conseils pour le tournage. Si les créateurs ou le style du film ressemblent aux miens, c’est parce que je ne travaille qu’avec des réalisateurs avec qui je me sens une connivence. Mais c’est Troy qui a fait le design de la maison et des monstres – personnellement, je les aurais faits différemment! Mais ses idées étaient parfaites, ses monstres sont parfaits; il les a conçus chez moi, en compagnie des artistes avec lesquels je travaille.»

L’une des scènes les plus efficaces du film survient dans le lit de la petite Sally (jouée par Bailee Madison), alors qu’une de ces bestioles s’est glissée sous les draps. «J’ai réécrit cette scène-là, s’emballe del Toro. Pour la réaliser, je me suis dit: pourquoi ne pas fabriquer un lit avec des draps de 10 mètres de long, de sorte que, lorsqu’elle soulève les draps, on s’attend à voir la créature. On sait qu’on la verra, mais, comme la scène est longue, on reste surpris! Je crois qu’une bonne scène de peur est une question de rythme.»

Et vous, M. le producteur, êtes-vous encore effrayé ou surpris par un film d’horreur ? « Bien sûr ! Récemment, par un film coréen. Pas un film d’horreur, mais un film de tueur en série, très explicite. J’ai crié pendant tout le film! Les Coréens ont une signature cinématographique très distincte.»

Et les Mexicains? «Je crois que les réalisateurs mexicains sont habiles à travailler plusieurs genres à la fois, et dans un style plus contemplatif. Comme ce qu’a fait mon ami Alfonso (Cuarón) avec Children of Men, insufflant une dimension contemplative à la science-fiction. Le rythme des films mexicain est différent, et ça apporte un point de vue unique.»

En terminant, une question sur les deux Hobbit auxquels travaille Peter Jackson: regrettez-vous de ne pas avoir eu la chance de les réaliser? «Mon travail au scénario est terminé. Je suis heureux de ce que j’ai fait. Ce film est en bonnes mains et j’ai hâte de le voir. Mais oui, j’aurais beaucoup aimé les réaliser...»

Les frais de déplacement ont été payés par Alliance Vivafilms.