Après son passage au Festival du film de Toronto il y a quelques jours, Vanessa Paradis était à Montréal mercredi pour la première de Café de Flore de Jean-Marc Vallée. Le réalisateur lui a offert un personnage, Jacqueline, qu’elle évoque avec tendresse. La Presse l’a rencontrée.


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Peu importe où l’on met les yeux, l’axiome de Café de Flore se dresse et s’impose. On lit. «Il n’est pas facile de dire adieu à ceux qu’on aime ; pour y parvenir, il faut parfois toute une vie – ou deux.»

Dans le film de Jean-Marc Vallée, la comédienne Vanessa Paradis est le fer de lance de l’une de ces deux vies. Elle y devient Jacqueline, jeune femme qui accouche d’un petit garçon, Laurent, trisomique. Après un bond de quelques années, nous voilà dans le Paris de 1969. Un Paris essentiellement esthétique, malgré le bouillonnement politique de la France du moment. Jacqueline n’en a cure. Battante, résiliente, fermée à tout ce qui l’entoure, elle consacre l’entièreté de sa vie à Laurent. Chez elle, l’amour est passé d’inconditionnel à fusionnel.

«J’ai tout de suite compris le personnage, dit Vanessa Paradis, elle-même mère de deux enfants. Jacqueline m’a touchée. Je n’ai pas tout de suite déterminé comment je l’interpréterais, mais pour la comprendre, ça oui, ce fut immédiat. J’ai vu et reconnu ses intentions et tout l’amour, absolument sincère, qu’elle a pour son fils.»

Dans Café de Flore, le spectateur est catapulté sans arrêt entre deux époques, le Paris de 1969 et le Montréal d’aujourd’hui, où deux histoires se mirent l’une dans l’autre. Dans cette galerie de personnages, Jacqueline est celle qui s’ancre férocement dans la routine et le quotidien.  «C’est la seule personne du film qui fait abstraction de tout dans sa vie, poursuit la comédienne. La seule chose qu’elle voit et pour laquelle elle vit est son petit garçon. Les autres personnages parlent davantage d’eux-mêmes. Jacqueline, au contraire, est la prolongation de son fils. Elle n’agit jamais pour elle-même.»

Mais à force de vouloir ainsi s’ancrer, il y a un risque de faille. Et qui dit faille, dit abîme... «Quand on regarde jusqu’où va cet amour, on se dit que c’est terrible, poursuit Vanessa Paradis. Mais je pense que nous portons tous ce côté oscillant entre le bien et le mal. Il suffit d’un tout petit écart pour pencher de l’autre côté.»

Magnifique Paris

Ceux qui ont vu le « making of » de Café de Flore, la semaine dernière à Radio-Canada, ont sans doute remarqué la complicité entre Vanessa Paradis et Marin Gerrier, interprète de Laurent, entre les prises. «On s’est aimés tout de suite. C’était instantané, confirme la comédienne. Nous sommes tous tombés sous son charme. Marin est drôle, très intelligent, vif et capable d’une répartie incroyable. Il contribue beaucoup à la beauté, à la crédibilité de notre relation à l’écran.»

Quant au Paris des années 60, recréé par Jean-Marc Vallée, autant dans des plans en extérieur qu’avec de vieilles images, la comédienne l’a trouvé «magnifique».

«Ah! Le Paris de cette époque, filmé à l’automne, avec la couleur kaki de la Seine, ses feuilles, s’exclame-t-elle, conquise. Nous avons beaucoup filmé dans Saint-Germain, les bouches de métro. Nous avons marché sur les quais avec les enfants. Et ce salon de coiffure où Jacqueline travaille, il a vraiment l’air bloqué dans le temps.»

De plus, Vanessa Paradis a eu la chance de marcher sur les dalles d’une cathédrale Notre-Dame entièrement vide. «Nous sommes allés tourner juste avant que ce soit ouvert. Il était 6 h du matin. C’était incroyable.»

Chanteuse, Vanessa Paradis a eu l’occasion, dans certains de ses films, d’interpréter une chanson. Là-dessus, pas de dépaysement avec Jean-Marc Vallée qui, on le sait, carbure à la chanson dans son œuvre. Mais là où il y avait nouveauté, c’est dans l’influence de la musique sur les personnages. «Jacqueline et Laurent écoutent Café de Flore tous les jours, rappelle Vanessa Paradis. Cette chanson a, pour eux, quelque chose de vital. C’était la première fois, dans un de mes films, où la chanson donnait le ton et l’humeur aux personnages. Elle donnait l’énergie de leur journée.»

À lire samedi, nos entrevues avec Jean-Marc Vallée et les comédiens québécois de Café de Flore.