Le réalisateur franco-argentin Santiago Amigorena présente au FNC son dernier opus, Another Silence, film dur et sombre mettant en vedette Marie-Josée Croze dans le rôle d’une policière partie aux trousses d’un trafiquant de drogue qui a commandé le meurtre de son mari et de son fils. Une partie du film a été tourné l’hiver dernier à Montréal.

1-) Qu’est-ce qui a conduit au choix de cette histoire où se côtoient vengeance, rédemption et deuil?

L’idée est née lors de deux voyages différents: l’un au Liban en septembre 2006, l’autre en Argentine fin 2003. Au Liban, face aux crimes de la guerre, j’ai eu envie d’écrire une histoire de pardon. En Argentine, lors d’un voyage avec la mère de mes enfants, j’ai éprouvé le besoin d’écrire l’histoire d’une famille détruite: d’un désespoir et d’une renaissance, non pas tant d’une rédemption, mais du début possible d’un deuil.

2-) Dans le film, le personnage de Mary migre d’un sentiment de vengeance à celui de pardon. Est-il exact de dire que vous vous intéressez davantage à explorer le désir de vengeance que l’acte lui-même?

Le désir de vengeance est un sentiment que je peux tenter de comprendre; l’acte de se venger, je ne peux pas l’accepter. Je pense que dans un film, on peut explorer des personnages extrêmement complexes, des personnages que peut-être on ne finit jamais de comprendre ou d’expliquer. Mais je ne vois pas quel intérêt on peut trouver, comme scénariste ou réalisateur, à partager la vie d’un personnage qu’on méprise.

3-) Qu’est-ce qui, chez Marie-Josée Croze, faisait d’elle la bonne comédienne pour incarner la policière Mary?

La réponse est simple: son talent. La qualité de son jeu. Il m’a suffi de voir ou de revoir quelques-uns de ses films pour être absolument certain qu’elle pouvait interpréter un personnage aussi dur, aussi violent, avec aussi peu de mots pour exprimer sa douleur et sa haine.

4-) Une bonne partie de l’histoire est dans le non-dit, dans les silences. Pourquoi ce choix?

D’une part, sans doute, parce que je suis plutôt silencieux. Mais surtout parce que je ne voyais pas comment un être humain pouvait trouver des mots pour une douleur aussi pure, ou pour un désir aussi violent. Souvent, au cinéma, on fait parler et agir des personnages avec un certain détachement par rapport à ce qui leur arrive. J’ai seulement, par ce silence, essayé de respecter la réalité de l’état de Mary pendant ces quelques jours qui suivent l’assassinat de son mari et son fils.

5-) Vous avez confié la direction photo à Lucio Bonelli. Parlez-moi de son apport dans ce film. En quoi la direction photo répond à votre désir d’installer un climat lourd et silencieux à l’ensemble?

Contrairement à mon premier long métrage, je souhaitais arriver au moment du tournage sans avoir prévu exactement ce qui allait se passer. Lucio avait donc une grande liberté, et cette liberté, je pense, l’a obligé à s’investir dans le film. On décidait ensemble du découpage, des cadres. Bref, il a été fondamental, non seulement dans la photo, mais dans la mise en scène entière du projet.