Le comédien Luc Picard entreprendra dans quelques jours le second bloc de tournage de son troisième long métrage, Ésimésac. Mais, dans une longue entrevue accordée à La Presse, il rappelle que le jeu demeure son premier amour professionnel. Arrêt sur image d'un homme qui a récemment franchi la cinquantaine.

Réalisateur du film Ésimésac, qu'il tourne présentement, Luc Picard est un homme heureux. «Je regarde l'équipe et je me dis: «Quel beau groupe!», lance-t-il. Le plateau est comme un extraordinaire terrain de jeu. Les premiers jours, on est plus nerveux, mais, ensuite, le plaisir commence.» Ce plaisir vient en partie du fait que l'équipe de ce film est pratiquement la même que celle de Babine. Normal: les deux histoires sortent de l'imagination fertile de l'auteur et scénariste Fred Pellerin et sont toutes deux campées à Saint-Élie-de-Caxton. «C'est le fun de retrouver la même gang, d'être dans les mêmes costumes et, essentiellement, les mêmes décors », dit M. Picard.

Même s'il est en voie de réaliser son troisième long métrage de fiction (le premier étant L'audition), il se sent toujours «comme un acteur qui réalise». Syndrome de l'imposteur? Oui et non. Luc Picard prend plaisir à diriger, est satisfait de parfaire son expérience, mais il place toujours le jeu au coeur de sa carrière. « Je suis un acteur avant tout et je vais toujours l'être, dit celui qui reprend son rôle de Toussaint Brodeur dans Ésimésac. J'avais 9 ans et je rêvais de jouer. J'ai un amour du jeu. »

Aujourd'hui, à 50 ans, Luc Picard joue moins qu'avant. Son dernier film, Marécages de Guy Édoin, est sorti en salle il y a un mois et demi. La télésérie Malenfant, tournée par Ricardo Trogi et diffusée à Séries +, a été un succès. Au théâtre, sa dernière présence remonte à 2008. «J'ai envie de retourner sur les planches, dit l'acteur. J'avais une proposition cette année, mais les dates ne concordaient pas.»

Il a écrit L'audition à une période où le téléphone ne sonnait pas. Il tenait à faire ce projet dont il avait écrit le scénario. «Mon but n'était pas de devenir réalisateur. Je me disais que je referais un autre film peut-être dans 15 ans.» Le fait de s'être lancé dans une telle démarche a cependant eu un effet domino. «Dès que j'ai fait un film, il y a eu moins d'offres. Alors, j'en ai fait un second, avec plaisir. Et la roue tourne. C'est pour cela que je rappelle aux gens que j'aime jouer», dit l'acteur-réalisateur, sourire en coin.

Au service du réalisateur

Devenir réalisateur a permis à Luc Picard de changer son approche du jeu. «Avant, j'étais un peu plus «obstineux», dit-il.

Aujourd'hui, lorsque je travaille avec de bons réalisateurs, je suis plus conscient du travail fait en amont et j'essaie d'être à leur service. Mais j'offre toujours une prise différente en leur disant que ça peut toujours être utile. C'est ainsi que je travaillais avec Pierre Falardeau.» Luc Picard était très proche de Falardeau, mort le 25 septembre 2009. Ensemble, ils ont fait Octobre et 15 février 1839. En dehors du plateau, ils partageaient une complicité évidente.

«Je m'ennuie de Pierre, murmure Luc Picard, alors qu'un ange passe. Il me faisait beaucoup rire. Entre le Pierre qu'on voyait à la télé, que les gens s'imaginaient, et le vrai, il y avait une grosse différence. Il était une présence réconfortante dans ma vie, un point de référence, même si nous n'étions pas d'accord sur certaines choses. Il possédait une espèce d'humanité, de sincérité, une franchise remarquable que je n'ai pas retrouvée souvent. Il communiquait ça aux gens autour de lui, sans s'en rendre compte.» Si son approche de comédien s'est polie, il en est de même de son travail derrière la caméra.

«J'ai changé, dit le comédien-réalisateur. Je m'arrête davantage à de petits détails que je laissais aller auparavant. Je me préoccupe ainsi plus de l'aspect esthétique du film. Dans mes premières expériences, je faisais davantage attention à ce que l'on entende et comprenne l'histoire. Je pense être un auditif, mais, pour Ésimésac, j'ai une approche plus visuelle.»