Rarement vu dans des films «populaires», l'acteur français André Wilms s'étonne de l'accueil chaleureux qu'obtient Le Havre, quatrième long métrage qu'il tourne sous la direction d'Aki Kaurismäki.

Il n'a pas la vocation. André Wilms est plutôt devenu acteur par accident, le jour où on lui a demandé de faire de la figuration alors qu'il travaillait à titre de technicien dans un théâtre. Il a trouvé là un moyen de gagner sa vie.

«Très franchement, je ne prends pas beaucoup de plaisir à jouer, a-t-il confié au cours d'une entrevue accordée à La Presse au Festival de Toronto. Je trouve même que c'est un métier un peu con. On se fait souvent chier à jouer des trucs pas terribles avec des gens imbus d'eux-mêmes. Maintenant que mes enfants sont grands, je refuse environ 80% des choses qu'on m'offre!»

Ce genre d'attitude ne pouvait que plaire à Aki Kaurismäki, cinéaste finlandais iconoclaste avec qui l'acteur s'est lié d'amitié au fil des ans.

«Avec Aki, ce n'est pas pareil, précise André Wilms. Aki est un poète. Notre première rencontre remonte à il y a 20 ans, alors qu'il cherchait un acteur français pour La vie de bohème. Il avait rencontré à peu près tout ce que la France compte d'acteurs de ma génération. Aucun ne faisait l'affaire. Une secrétaire lui a alors parlé de moi en lui disant que j'étais un peu bizarre. Aki m'a donné rendez-vous dans un bistro à 2h du matin. La première chose qu'il m'a dite est: «Ah! Vous avez un grand nez; vous pouvez donc fumer sous la douche. Alors je vous engage!» Une fois cette étape franchie, nous n'avons pas parlé de cinéma du tout. Une amitié véritable est née.»

Le Havre est le quatrième film qu'André Wilms tourne sous la direction de son ami, mais le premier dont il tient le rôle principal. Habitué des films à diffusion plutôt confidentielle, mis à part le très grand succès public qu'a connu La vie est un long fleuve tranquille à la fin des années 80 (il était monsieur Le Quesnoy), l'acteur est surpris par l'accueil réservé au Havre depuis sa présentation au Festival de Cannes.

«Je n'arrive pas à expliquer pourquoi il est mieux accueilli que les autres films d'Aki, dit-il. Sans doute parce qu'on n'y trouve aucune trace de cynisme. Son désespoir est plus poli peut-être! Cela dit, c'est un film que j'aime. Vraiment.»

Irrésistible comédie

Dans ce long métrage entièrement tourné en français, le réalisateur de L'homme sans passé trouve le moyen d'aborder un thème on ne peut plus sensible - l'immigration clandestine en Europe - et d'en faire une irrésistible comédie. À la fois drôle et profondément humaine.

André Wilms se glisse dans la peau d'un modeste cireur de chaussures, endetté jusqu'au cou, dont la femme malade (Kati Outinen, muse du cinéaste) doit maintenant être hospitalisée. Un gamin venu clandestinement d'Afrique entre dans sa vie et se lie d'amitié avec lui. Un esprit d'entraide et de solidarité contamine les habitants du quartier. On organise même un spectacle-bénéfice avec Little Bob (Roberto Piazza), gloire locale de rock, dont on verra la performance en entier. «À tous égards, ce film est irréaliste», avait prévenu l'auteur cinéaste à Cannes. Mais la force du cinéma de ce Forcier scandinave réside justement dans le fantasme de cette vision humaniste. Grâce à son style, le film rappelle également le grand cinéma de René Clair et de Marcel Carné.

«Même s'il ne parle pas français, Aki connaît tous les films de la grande époque, fait remarquer le comédien. Aucun film de Renoir, Clair, Bresson, Carné ou Melville n'a de secret pour lui. Il possède une culture incroyable. Et voue une grande admiration aux acteurs de cette génération: Michel Simon, Jean Gabin, etc.»

D'Alsace

L'idée de réaliser un film n'a par ailleurs jamais effleuré l'esprit d'André Wilms. En revanche, l'acteur d'origine alsacienne signe plusieurs mises en scène au théâtre, particulièrement en Allemagne.

«J'ai grandi à Strasbourg, explique-t-il. J'ai évidemment dû effacer mon accent pour travailler au théâtre et au cinéma à Paris, un endroit où l'on est très réfractaire aux accents. L'accent alsacien peut néanmoins revenir très facilement. Surtout quand je suis bourré!»

Le Havre étant le premier volet d'une trilogie consacrée à des villes portuaires, Wilms devrait en principe retrouver Aki Kaurismäki pour Le barbier de Vigo, que l'auteur cinéaste tournera prochainement en Espagne. Le dernier volet de la trilogie devrait avoir pour cadre une ville portuaire d'Allemagne.

Le Havre prend l'affiche le 2 décembre.