L'idée d'un film sur la psychanalyse trotte dans l'esprit de David Cronenberg depuis très longtemps. Il aura pourtant fallu attendre A Dangerous Method pour qu'elle se concrétise enfin...

Où est Cronenberg dans son nouveau film? Depuis le lancement du long métrage A Dangerous Method à la Mostra de Venise, la question est revenue assez souvent dans les conversations. Même si ce drame biographique, inspiré de la rencontre entre Sigmund Freud et Carl Jung, a reçu un bel accueil (particulièrement chez les Anglo-Saxons), il reste que l'aspect très classique pour lequel a opté le plus célèbre cinéaste canadien en a déstabilisé plus d'un.

«J'emprunte toujours l'approche qui semble être la mieux collée au propos, a expliqué David Cronenberg lors d'une interview accordée à La Presse au Festival de Toronto. Quand je me lance dans un projet, je ne pense pas à mes films précédents. Je ne travaille jamais en fonction de ce que certains appellent «un film de Cronenberg» non plus. Honnêtement, je ne sais pas ce que ça veut dire!»

Bien entendu, le cinéaste reconnaît le côté flatteur de la chose. Cronenberg fait partie de ces cinéastes, plutôt rares, dont la signature est assez forte pour donner un nom à un style.

«C'est un peu comme pour Fellini, même si je ne me compare pas du tout à lui, souligne-t-il. On dit de ses films qu'ils sont «felliniens», mais Fellini ne faisait aucun effort en ce sens. De la même façon, je ne me sens pas obligé d'intégrer à un scénario des éléments que les critiques et le public identifient à mon cinéma. Je ne tiens pas à devenir un adjectif. Faire un long métrage, c'est prendre 2000 décisions par jour. À mes yeux, tous les films que j'ai réalisés portent ma signature. Autant M. Butterfly et Dead Ringers que Videodrome ou The Fly

Un angle d'attaque

Depuis ses années d'études universitaires, David Cronenberg entretenait l'idée de faire un film sur Sigmund Freud, père de la psychanalyse. Il ne trouvait pourtant jamais l'angle sous lequel aborder son histoire. Une pièce du célèbre dramaturge anglais Christopher Hampton, intitulée The Talking Cure, elle-même adaptée d'un roman inspiré de faits réels de John Kerr, allait enfin permettre au cinéaste de concrétiser son projet.

«Ralph Fiennes, avec qui j'ai tourné Spider, en fut l'un des interprètes à Londres, rappelle Cronenberg. Je n'ai pas vu la pièce sur scène, mais je l'ai lue. Et elle m'a beaucoup inspiré. Or, Christopher Hampton m'a appris que cette pièce avait au départ été écrite sous la forme d'un scénario il y a près de 20 ans, destiné alors à Julia Roberts!»

Ce projet de film avec la populaire actrice ne s'est jamais concrétisé. Cronenberg a alors invité Christopher Hampton à écrire une nouvelle version de son scénario, mais ce dernier aurait d'abord décliné, évoquant un horaire trop chargé.

«Quand je lui ai annoncé que je comptais alors écrire le scénario moi-même, il est revenu sur sa décision, fait remarquer le cinéaste. Ça l'a probablement rendu nerveux! Cela dit, même si j'avais signé le scénario, il aurait quand même été l'oeuvre de Christopher.»

Rencontre au sommet

A Dangerous Method se concentre d'abord sur la rencontre au sommet entre Sigmund Freud et Carl Gustav Jung, deux penseurs dont les théories constituent les fondements mêmes de la psychanalyse. L'intérêt du cinéaste fut toutefois stimulé par l'intégration dans l'histoire d'un personnage inconnu. Une jeune femme souffrant d'hystérie, Sabina Spielrein, fut d'abord la patiente de Jung. Et devint ensuite sa maîtresse.

«La présence de Sabina me permettait d'aborder le rôle des femmes dans la société victorienne, précise Cronenberg. Elles étaient alors idéalisées dans l'imaginaire masculin, mais on ne leur permettait pas d'exprimer leur personnalité. En fait, j'ai voulu ressusciter ces gens et les plonger dans l'époque dans laquelle ils ont vécu. L'environnement dans lequel ils évoluaient était très élégant, très digne, mais aussi très formel.»

Keira Knightley incarne Sabina Spielrein et Michael Fassbender, qui a connu une année royale, prête ses traits à Carl Jung.

Pour Sigmund Freud, David Cronenberg a fait appel à Viggo Mortensen. Depuis History of Violence, ce dernier est pratiquement devenu l'acteur fétiche du cinéaste.

«Quand David m'a proposé le rôle, je n'étais pas certain, confie l'acteur. L'image que nous avons de Freud est celle d'un vieux monsieur à la fin de sa vie. Or, plus j'en ai appris sur Freud, plus je me suis rendu compte à quel point David et lui ont de nombreux points communs! Les dialogues ont aussi un aspect ironique qui m'a beaucoup plu. En fait, c'est à travers cette ironie que s'est révélé le personnage dans mon esprit. J'ai aussi été intéressé par le conflit de personnalités autour duquel l'histoire est construite. Aucun des personnages n'est montré de façon monolithique.»

A Dangerous Method (Une méthode dangereuse en version française) prend l'affiche le 13 janvier.