Avec L'art d'aimer, Emmanuel Mouret continue de creuser le sillon sentimental, cette fois au moyen d'un film choral.

Comment reconnaît-on l'amorce d'un sentiment amoureux? À sa musique. C'est du moins ce qu'on nous explique au début de L'art d'aimer, plus récent opus d'Emmanuel Mouret.

Réunissant une imposante distribution, dont font notamment partie François Cluzet, Judith Godrèche, Julie Depardieu, Ariane Ascaride et Gaspard Ulliel, sans oublier son actrice fétiche, Frédérique Bel, le réalisateur d'Un baiser s'il vous plaît compose sa carte du tendre à travers les histoires sentimentales d'une galerie de personnages, tous appelés à vivre des situations plus ou moins compliquées, parfois même improbables.

Dans cette comédie sentimentale, la révélation d'un sentiment amoureux est toujours accompagnée d'envolées musicales.

«Ce lien est plutôt difficile à expliquer, a reconnu l'auteur cinéaste lors de son plus récent passage à Montréal l'été dernier. L'idée s'est imposée à moi lorsque j'étais en voyage. Je me suis mis à imaginer la vie sentimentale de purs étrangers. Personnellement, quand je tombe amoureux, j'entends plutôt des cloches!»

Qu'ils vivent en couple ou qu'ils soient célibataires, tous les personnages du film se retrouvent face à leurs propres désirs. Le sujet passionne l'auteur cinéaste. D'autant plus qu'il est inépuisable. Et le restera toujours.

«Les relations amoureuses constituent à mes yeux un sujet de cinéma aussi riche que fascinant, confie celui dont on dit souvent qu'il est l'émule d'Éric Rohmer et de Woody Allen. Elles permettent des situations de suspense, font écho à la beauté, et nous offrent une façon de nous interroger sur notre moralité. Et puis, plus égoïstement, ces histoires me donnent l'occasion de travailler avec des actrices et de les filmer. Certains cinéastes aiment diversifier les genres; d'autres préfèrent explorer les mêmes thèmes. Au lieu de faire dans le polar, je fais dans le sentimental. C'est ma nature!»

Finesse et intelligence

Cette nature a bien servi le cinéaste jusqu'à maintenant. Affichant un style qui lui est propre, Mouret s'est imposé très vite en proposant des comédies empreintes de finesse et d'intelligence, qui se démarquent notamment par leur qualité d'écriture. Surtout, le cinéaste tient à ce que le spectateur ne perde jamais de vue la part imaginée de son univers. Mouret ne vise pas le réalisme.

«Un film est un endroit où l'on met ses fantasmes à l'épreuve, soutient Emmanuel Mouret. Le cinéma, ce n'est pas la vie. Il n'a pas à retranscrire la réalité. Il ne reflète pas son époque non plus. Il en a les résonances seulement. En fait, un film aide à goûter la vie, à lui donner une saveur.»

Ainsi, le réalisateur de Fais-moi plaisir n'a pas hésité à inclure dans son film une histoire où une jeune femme mariée (Judith Godrèche) croit rendre service à une amie célibataire (Judith Depardieu) en l'invitant à se présenter à sa place à un rendez-vous avec un admirateur secret. L'une des conditions: que les amants ne se voient jamais. Et que leurs ébats se fassent dans l'obscurité la plus totale.

«Dans l'absolu, pourquoi pas? demande le cinéaste. Pourquoi une femme heureuse en couple ne ferait pas cadeau de son homme à une copine seule? L'inverse est aussi vrai. Si tout le monde est d'accord, peu importe le genre de conjugaison, où est le problème? Or, les conventions sociales nous l'interdisent. Voilà pourquoi ce genre d'histoire nous pousse à nous interroger sur notre moralité personnelle et collective. Dans un film, on peut jeter un éclairage sur une situation donnée sans qu'elle reflète obligatoirement la réalité.»

Un petit rôle

Plus discret qu'auparavant devant la caméra, Emmanuel Mouret se contente d'un petit rôle dans son nouveau film.

«Comme le scénario comporte plusieurs histoires, je me suis dit que ce serait bien de ne pas me donner le rôle principal cette fois. Et puis, j'ai pu me concentrer entièrement sur le jeu des autres. J'ai eu un plaisir fou à regarder tous ces merveilleux acteurs. J'ai l'impression de les laisser très libres. Eux me disent toutefois qu'il n'en est rien! En fait, je sais ce que je ne veux pas. C'est déjà quelque chose!»

À la lumière de l'oeuvre qu'il construit depuis plus d'une dizaine d'années, tout laisse croire que l'écriture vient facilement à l'auteur cinéaste. Il s'agit pourtant d'un travail d'orfèvre.

«Chaque fois que je me lance dans un nouveau projet, j'ai l'impression que je ne pourrai pas y arriver. Je me demande inévitablement comment j'ai fait la dernière fois. Je repars de zéro. Et j'ai du mal à être léger. J'ai aussi le souci du spectateur. On le prend quasiment en otage dans le noir pendant une heure et demie, la moindre des choses est de ne pas l'ennuyer! «

Il faut croire qu'il a atteint son objectif: L'art d'aimer a obtenu l'an dernier le prix du meilleur scénario au Festival des films du monde de Montréal.

L'art d'aimer prend l'affiche le 27 janvier.