Trois ans après Welcome, Vincent Lindon et le cinéaste Philippe Lioret refont équipe pour Toutes nos envies, drame social d’une nature bien différente.

Vincent Lindon aime créer des liens privilégiés avec des cinéastes. Il fut l’acteur fétiche de Pierre Jolivet (Fred) pendant six films avant que leurs chemins artistiques ne se séparent.
L’acteur ne se retrouve plus vraiment dans les personnages que son pote écrit maintenant. Aujourd’hui, deux cinéastes font régulièrement appel à lui : Stéphane Brizé (Mademoiselle Chambon) et Philippe Lioret (Welcome).

« Je constate que je suis l’alter ego de quelques cinéastes et je trouve cela plutôt troublant !, a récemment observé l’acteur au cours d’une rencontre tenue à Paris. J’entretiens bien entendu une relation privilégiée avec Philippe, car il m’a proposé tous ses films. Je crois qu’il voit en moi celui qui est le plus apte à représenter le fantasme de l’homme qu’il aimerait lui-même incarner. Nous nous sommes finalement trouvés sur Welcome. Je me sens très proche de Philippe. L’envie de travailler de nouveau avec lui pour Toutes nos envies était très forte, même si ce film n’a rien à voir avec le précédent. »

Toutes nos envies est une adaptation libre du roman D’autres vies que la mienne, d’Emmanuel Carrère. Marie Gillain y incarne une jeune juge du tribunal de Lyon qui voit défiler devant elle d’innombrables affaires de surendettement. Elle prend personnellement une cause en main le jour où la mère d’une camarade de classe de sa fille est menacée d’expulsion. Vincent Lindon se glisse dans la peau d’un collègue qui aidera la magistrate à organiser sa cause. Les sentiments viendront s’en mêler. Ou peut-être pas.

« Depuis qu’il fait de la réalisation, Philippe aborde toujours des problématiques sociales dans ses films, fait remarquer l’acteur. Mais il prend soin de les encadrer dans une vraie dramaturgie. Cela me rejoint tout à fait. J’aime jouer dans des films qui font écho à des thèmes sociaux, mais il faut quand même plus que ça. Il faut qu’il y ait un enjeu, que l’intrigue raconte quelque chose. J’aime à penser que les films dans lesquels je joue – je suis très sélectif – racontent un trait de notre époque. Et qu’il en restera quelque chose quand on les reverra dans 30 ans. Les films de Philippe ont cette profondeur. »

Un amour pur

Plus qu’une histoire sur le surendettement et la façon dont la société pousse les gens à la surconsommation, Philippe Lioret voit surtout en Toutes nos envies une histoire d’amour très pure.

« Ce film s’adresse avant tout au "ressenti", explique le cinéaste. Je souhaite que le spectateur le reçoive dans l’estomac, sans rationaliser. L’intrigue est campée dans un cadre social, c’est vrai, mais l’histoire est avant tout celle d’un homme et d’une femme qui se conviennent à tous points de vue, mais entre qui rien ne peut arriver. Un amour à la fois absolu et impossible. »

La lecture du roman d’Emmanuel Carrère ne s’était pourtant pas soldée instantanément en une envie de porter l’œuvre à l’écran.

« J’ai trouvé le roman formidable, précise le cinéaste. Il a changé quelque chose en moi. Mais je ne voyais pas comment on pouvait en tirer un film. Quand j’en ai parlé à l’auteur, il était de mon avis. Or, ce roman ne cessait de revenir à mon esprit. Finalement, un déclic s’est fait le jour où j’ai rejeté l’idée de l’adapter pour créer plutôt une histoire nouvelle en m’inspirant du roman. La nuance est importante. Il me fallait conserver l’intimité fondatrice du livre, mais emprunter une autre dramaturgie. Quand Carrère a vu le film, il m’a dit qu’il s’agissait d’une magnifique trahison. Ça m’a fait grand plaisir. »

Pas de recettes

Lors de sa sortie en France, Toutes nos envies n’a pas eu l’écho souhaité, ni sur le plan des discussions ni sur le plan des entrées.

« Personnellement, je trouve le film très beau, affirme Vincent Lindon. Mais il est vrai que, pour certains spectateurs, l’accumulation de plusieurs thèmes dramatiques est peut-être un peu... trop ! Compte tenu de ce qu’on attendait de nous après Welcome, il est indéniable qu’aux yeux de la presse et du milieu, Toutes nos envies distille un parfum d’échec.
Pourtant, nous avons quand même réussi à réunir près de 400 000 personnes autour d’un film qui traite de surendettement et de maladie.

« Bien entendu, on peut tenter de commenter rétroactivement, poursuit-il, mais la réalité est que personne dans ce métier ne sait rien de rien. Il n’y a pas de recette. C’est ça qui est génial. C’est aussi la raison pour laquelle on fait des films. Si David Cronenberg avait su que A Dangerous Method serait complètement raté avant même de commencer, il ne l’aurait tout simplement pas fait. Or, même un cinéaste génial comme lui ne sait rien d’avance ! »

Toutes nos envies prend l’affiche le 16 mars.

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