Il a fait de Nikita, Jeanne d’Arc et Adèle Blanc-Sec des héroïnes de cinéma. Avec The Lady, Luc Besson s’attarde cette fois à décrire le parcours de la militante birmane Aung San Suu Kyi. Dont l’héroïsme est bien réel.

Tout récemment, Aung San Suu Kyi a fait son entrée au Parlement de la Birmanie. Que d’années de résistance et de luttes en tous genres il aura fallu pour en arriver là. Lauréate du prix Nobel de la paix en 1991, la célèbre militante, éprise de démocratie et de non-violence, fait partie de ces personnages plus grands que nature capables d’incarner les espoirs de tout un peuple.

Avant que l’actrice Michelle Yeoh ne vienne le voir pour lui demander conseil à propos d’un scénario qu’elle souhaitait voir porté à l’écran (écrit par Rebecca Frayn), Luc Besson avait évidemment déjà entendu parler de cette femme au destin particulier. Mais il ne savait pratiquement rien d’elle.

« Comme tout le monde, je connaissais les grandes lignes de l’histoire d’Aung San Suu Kyi, sans plus, a confié le cinéaste l’an dernier au festival de Toronto. Or, on découvre dans son parcours non seulement les actions d’une femme admirable, mais aussi la présence d’une grande histoire d’amour avec son mari britannique. Dès que j’ai terminé la lecture du scénario, j’ai tout de suite voulu m’occuper de la réalisation de ce film. »

The Lady s’inscrit de façon très différente dans la filmographie du réalisateur des Aventures extraordinaires d’Adèle Blanc-Sec. Le cinéaste s’est en effet montré plus discret que de coutume sur le plan de la mise en scène. L’approche, cette fois, est sobre et classique.

« L’histoire commande la mise en scène, précise Besson. Avec un sujet pareil, on ne peut faire n’importe quoi. C’est une simple question de respect. Je préfère parler d’élégance plutôt que de classicisme. Ce genre d’exercice est très palpitant pour un metteur en scène parce qu’il nous oblige à faire preuve de finesse. Du travail d’orfèvre, en fait. Vous savez, avoir huit caméras pour une cascade de voitures, ce n’est pas très compliqué. Il faut un bon monteur, à vrai dire ! »

Le cinéaste dit aussi être rompu aux scènes exigeant la présence de nombreux figurants. Dans The Lady, il a dû en tourner quelques-unes pour évoquer l’agitation sociale d’une société en pleine ébullition.

« Quand on a déjà tourné pour Jeanne d’Arc une scène avec 2000 figurants qui se tapent dessus et 14 caméras, plus rien ne nous fait peur ! »

Une actrice « habitée »

Luc Besson s’est visiblement nourri de la passion qu’éprouvait Michelle Yeoh pour faire aboutir The Lady. Pour la première fois de sa carrière, le nabab du cinéma européen s’est pratiquement mis au service d’un projet qu’il n’a pas lancé lui-même.

« Pour un metteur en scène, c’est un vrai bonheur que de collaborer avec une artiste aussi dévouée. Michelle tenait mordicus à ce que ce film voie le jour. J’ai senti qu’elle avait envie d’y aller à fond et qu’elle allait tout donner. Elle était complètement habitée par le personnage. Non seulement l’histoire lui tenait à cœur, mais il y a aussi le fait que les grands rôles se font malheureusement plus rares pour les actrices asiatiques qui ont franchi le cap de la quarantaine. »

Au moment du lancement de The Lady au festival de Toronto, Aung Saan Suu Kyi n’avait toujours pas vu le film qui lui est consacré. Sa situation était encore trop délicate pour la faire participer au projet d’une façon ou d’une autre.

« Elle n’a pas voulu lire le scénario, fait remarquer le cinéaste. Elle ne compte pas voir le film non plus. Du moins, pas tout de suite. De cette façon, elle ne peut être prise en défaut par les autorités birmanes puisqu’elle n’a rien à voir avec le projet. Cela dit, j’ai eu la chance de la rencontrer. Je sais qu’elle est d’accord avec notre démarche. »

L’enthousiasme retrouvé

Luc Besson semble par ailleurs avoir retrouvé son enthousiasme de réalisateur. Celui qui avait déclaré, il n’y a pas si longtemps, vouloir désormais se consacrer uniquement à l’écriture et à la production a enchaîné les tournages depuis quelques années.

« J’adore faire de grands écarts, dit-il. D’Angel-A à Arthur et les Minimoys, d’Adèle Blanc-Sec à The Lady. Mon moteur principal est la diversité. Il est vrai qu’à une époque, je me suis senti plus asséché. Le tournage de Jeanne d’Arc m’avait épuisé, d’autant plus qu’il a commencé seulement trois jours après la fin du tournage du Cinquième élément ! Je ne veux pas réaliser des films si je ne les sens pas. C’est une question de respect. Envers moi-même, mais surtout envers le spectateur. J’estime que j’ai une responsabilité à cet égard. »

The Lady (La dame en version française) prend l’affiche le 4 mai.