Une comédie sentimentale dans laquelle tous les protagonistes sont des retraités? Tel est le pari que tient le réalisateur de Shakespeare in Love en compagnie de quelques-uns des meilleurs acteurs anglais et indiens.

Depuis sa sortie au Royaume-Uni au mois de février, The Best Exotic Marigold Hotel obtient là-bas un succès étonnant en attirant dans les salles des spectateurs ayant atteint l’âge de la retraite. Même si elle ne répond pratiquement à aucun des critères habituellement tenus en compte par les bonzes de l’industrie du cinéma, cette adaptation du roman à succès de Deborah Moggach, These Foolish Things (Ces petites choses), a su se faire remarquer, principalement auprès de gens dont les préoccupations trouvent rarement un écho dans les films produits à notre époque.

John Madden, réalisateur de Shakespeare in Love, a réuni dans The Best Exotic Marigold Hotel (Bienvenue au Marigold Hotel en version française) une distribution de haut vol, composée des meilleurs vétérans britanniques. Maggie Smith, Bill Nighy, Penelope Wilton, Celia Imrie et Ronald Pickup se font notamment valoir dans ce film choral, sans oublier deux des acteurs fétiches du cinéaste: Judi Dench et Tom Wilkinson.

Un nouveau virage

Tout ce beau monde, dont la moyenne d’âge est rien de moins qu’honorable, a mis le cap sur l’Inde pour tourner là-bas une comédie dramatique dans laquelle les vies de personnes mûres empruntent un nouveau virage au contact d’une nouvelle culture, d’une nouvelle société. Ces retraités britanniques, qui ont perdu leurs repères et leurs attaches dans une Angleterre qu’ils ne reconnaissent pratiquement plus, partent en effet s’établir en Inde dans ce qu’ils croient être un palace. Sur place, ils sont accueillis par un jeune propriétaire aussi dynamique que fauché (Dev Patel, révélé grâce à Slumdog Millionaire), et séjournent dans un hôtel délabré qui, étrangement, possède quand même son charme.

On ne peut savoir vraiment ce que veut dire l’expression “choc culturel” tant qu’on n’a pas mis les pieds en Inde!, a récemment déclaré Tom Wilkinson lors d’une rencontre de presse tenue à New York. Je ne m’en suis d’ailleurs toujours pas remis. Je n’avais jamais rien vécu de tel. Ce pays est totalement fascinant, mais je compte quand même vivre ma retraite en Angleterre.»

À l’instar de son collègue, et de la plupart des autres acteurs du film, Judi Dench ne s’était jamais rendue dans le sous-continent.

Comme le dit mon personnage, l’arrivée en Inde constitue un assaut sur les sens, rappelle-t-elle. Nous sommes restés là-bas 2 mois, mais au bout de 24 heures à peine, j’étais déjà ensorcelée par ce pays!»

Un esprit de troupe

Comme tous les personnages anglais du film, ceux qu’interprètent Judi Dench et Tom Wilkinson avaient de bonnes raisons d’abandonner leur vie déjà riche de six ou sept décennies en Grande-Bretagne pour tenter d’aller s’en refaire une nouvelle ailleurs. Devenue veuve, et héritant de dettes insoupçonnées, Evelyn est en quête d’autonomie personnelle, mais aussi de compagnonnage. De son côté, Graham, seul du groupe à avoir déjà vécu un moment en Inde il y a très longtemps, compte retrouver les traces d’un amour de jeunesse.

Dans ce genre de projet, surtout quand le tournage a lieu dans un pays étranger, un formidable esprit de troupe se forme, observe Judi Dench. De surcroît, nous nous connaissions déjà tous au préalable. C’est un avantage énorme.»

Au-delà de ce projet, les deux acteurs étaient heureux de retrouver John Madden, un cinéaste avec qui ils ont travaillé plusieurs fois.

John nous offre toujours de très beaux rôles, affirme celle qui fut en outre en lice pour l’Oscar de la meilleure actrice grâce à Mrs. Brown, et qui fut sacrée meilleure actrice de soutien pour sa performance, aussi courte qu’inoubliable, dans Shakespeare in Love.

John ne se contente jamais de demi-mesures et il est de commerce très agréable. On a envie de tout lui donner. Après Mrs. Brown, je lui avais écrit une lettre dans laquelle je disais souhaiter jouer le moindre rôle dans n’importe lequel de ses films, même celui d’une femme qui balaie son perron en arrière-plan d’une scène. Il m’a rappelé la teneur de cette lettre quand il m’a offert de jouer dans Shakespeare in Love en me disant que c’était un rôle très court, dans lequel tout ce que j’avais à faire était de porter une grande robe d’époque!»

The Best Exotic Marigold Hotel prend l’affiche le 11 mai.

Les frais de voyage ont été payés par Fox Searchlight.

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Gentleman cinéaste

Quand on lui demande comment on doit s’y prendre pour diriger un groupe d’acteurs aussi accomplis, John Madden répond en riant. «On se tasse et on les laisse jouer!», lance-t-il.

Dans la pratique, il est évident que le travail est beaucoup plus fin. Formé au théâtre, le réalisateur de Shakespeare in Love, dont le plus récent film, The Debt, a été bien accueilli l’an dernier, n’avait encore jamais eu l’occasion de tourner un long métrage dans un environnement complètement différent de celui où il évolue habituellement.

Quand on m’a apporté le scénario de The Best Exotic Marigold Hotel, j’ai tout de suite eu envie d’accepter la proposition, mais en même temps, j’appréhendais un peu le tournage en Inde, explique le cinéaste lors d’un entretien accordé à La Presse. À l’instar des personnages du film, je n’y étais jamais allé auparavant!»

The Best Exotic Marigold Hotel est un film choral dans lequel l’établissement où l’intrigue est campée est aussi un personnage à part entière. Les artisans du film ont installé leurs pénates au Ravla Khempur, ancien palais royal transformé en hôtel pour touristes, situé non loin de Jaipur, ville du Rajasthan située dans le nord-ouest de l’Inde. Plus de la moitié du tournage a eu lieu à cet endroit.

Évidemment, l’Inde compte l’une des plus grandes industries du cinéma du monde, fait remarquer John Madden. Sur le plan technique, il n’y a aucun problème. Le plus difficile aura pourtant été de convaincre nos collaborateurs indiens de laisser la “vraie vie” entrer dans le champ de la caméra quand nous tournions dans les rues. Je tenais à ce que le spectateur ait les mêmes sensations que les personnages. À Bollywood, ils ne font pas ça très souvent!»

Outre le fait d’avoir eu l’occasion de tourner dans un pays dont il rêvait depuis longtemps, John Madden affirme avoir aussi été attiré par le caractère original du projet.
Il y a dans cette histoire des gens dont on ne parle jamais au cinéma, dit-il. Le vieillissement et le sentiment d’abandon ou d’inutilité qui surgit parfois à cette étape de la vie, commun à bien des personnes âgées, ne fait pas partie des sujets que la société aime aborder. Le scénariste Ol Parker, qui a adapté le livre de Deborah Moggach duquel ce film est tiré, a su trouver un angle original pour traiter d’un sujet dramatique. Et il y a mis beaucoup d’humour en plus! Je crois que là est la clé du succès de ce film.»