Trente ans après sa disparition, à l'âge de 52 ans, François Truffaut reste encore bien vivant dans l'esprit des cinéphiles. À Paris, la Cinémathèque française consacre à l'homme et à son oeuvre, intimement liés, une magnifique exposition.

Ceux qui ont eu la chance de la fréquenter au cours des dernières années le savent: les expositions mises sur pied par la Cinémathèque française sont toujours mémorables. Les univers de Stanley Kubrick, Pedro Almodóvar et Jacques Demy, pour ne nommer qu'eux, ont en outre été évoqués magnifiquement dans les vastes locaux qu'occupe la Cinémathèque depuis son déménagement rue de Bercy, il y a maintenant une dizaine d'années.

L'exposition consacrée à François Truffaut depuis l'automne revêt toutefois un caractère plus particulier. En plus de souligner le trentième anniversaire - déjà - de la disparition de l'un des chefs de file de la Nouvelle Vague, cet événement célèbre un cinéaste ayant toujours entretenu des liens très étroits avec l'auguste institution, fondée en 1936 par Henri Langlois.

«Pour la génération Truffaut, Godard, Rivette, Chabrol, Rohmer et tant d'autres, la Cinémathèque d'Henri Langlois fut le passage obligé d'une école buissonnière, assidûment fréquentée par des jeunes gens pour qui le cinéma était l'horizon unique au sortir de la guerre», écrit Serge Toubiana dans son texte de présentation.

En plus de diriger les destinées de la Cinémathèque et d'assurer le commissariat de cette exposition, Serge Toubiana est aussi le coauteur, avec Antoine de Baecque, d'une biographie exhaustive de François Truffaut, publiée à une époque où il était rédacteur en chef des Cahiers du cinéma.

C'est donc sous le signe de l'intimité que cette exposition a été conçue. Le titre est d'ailleurs simplement constitué de la signature manuscrite du cinéaste. Le cinéma de Truffaut ne reposant pas non plus sur un imaginaire visuel foisonnant, comme celui d'Almodóvar ou de Demy, il aura fallu mettre en scène les nombreux documents d'un créateur qu'on disait obsessif du classement. Le réalisateur de Jules et Jim gardait tout: les notes, les correspondances, les photographies, les annotations dans les livres, les ouvrages de référence. On a même reconstitué son bureau, de même que la pièce où il conservait précieusement ses archives.

Sous le signe du romanesque

Le visiteur aura ainsi l'impression, très émouvante, de plonger au coeur d'une démarche créatrice placée sous le signe du romanesque. Divisée en plusieurs thèmes, l'exposition retrace la trajectoire du cinéaste, de son plus jeune âge jusqu'à sa mort prématurée, à l'âge de 52 ans. Une section est aussi consacrée à l'héritage de son oeuvre dans le cinéma contemporain. Dans un document visuel, des acteurs issus des nouvelles générations viennent témoigner de leur vision de Truffaut. Il s'agit probablement du maillon le plus faible de l'ensemble. Dans les circonstances, il aurait été sans doute plus pertinent de réunir des artisans qui ont déjà collaboré avec le cinéaste.

Pour le reste, le parcours est fascinant. L'enfance, dont il s'inspirera bien sûr pour Les quatre cents coups, puis les années de critique et de polémiste; la rédaction d'un livre d'entretiens avec Alfred Hitchcock qui fera école; sans oublier l'incontournable période de la Nouvelle Vague, dont il est la figure emblématique avec Jean-Luc Godard, avec qui il y aura ensuite rupture.

L'exposition met aussi à jour les grands thèmes de l'oeuvre de Truffaut, sa méthode de travail, son influence. L'éducation sentimentale est au coeur de la série de cinq films mettant en vedette son alter ego Antoine Doinel. Il est d'ailleurs assez rare qu'un cinéaste ait l'occasion de faire grandir un personnage en même temps que l'acteur qui l'incarne. Jean-Pierre Léaud aura été l'acteur fétiche du cinéaste des Quatre cents coups (1959) jusqu'à L'amour en fuite (1979).

Ni avec toi ni sans toi

Dans La femme d'à côté, où l'amour était sans issue («Ni avec toi ni sans toi», disait-on), François Truffaut avait une nouvelle fois exploré le thème de la passion amoureuse et la douleur qu'elle engendre. Ce thème est évidemment bien évoqué dans cette présentation, de même que les actrices qui ont marqué le cinéma de cet homme qui aimait les femmes: Jeanne Moreau, Marie Dubois, Françoise Dorléac, Claude Jade, Catherine Deneuve, Bernadette Lafont, Isabelle Adjani, Nathalie Baye, Fanny Ardant...

Nous conseillons par ailleurs à ceux qui n'auront pas l'occasion de se rendre dans la Ville Lumière au cours du prochain mois d'aller consulter le site de la Cinémathèque française (cinématheque.fr), très riche en documents écrits et visuels.

François Truffaut - L'exposition. Jusqu'au 1er février à la Cinémathèque française (51, rue de Bercy, Paris XIIe).