Le cinéaste franco-polonais Roman Polanski, recherché aux États-Unis pour une affaire de moeurs datant de 1977, a été entendu jeudi par un procureur de Cracovie et laissé en liberté, en attendant une demande d'extradition formelle qui a peu de chances d'aboutir. Son interpellation a été demandée par la justice américaine mercredi soir.

La demande d'extradition n'étant pas encore parvenue aux autorités judiciaires polonaises, Polanski «est un homme libre et il est libre de voyager», a dit à l'AFP le porte-parole du parquet général Mateusz Martyniuk.

Sur le plan formel, toutefois, l'extradition de Polanski «reste possible», car la prescription, dont son acte - relations sexuelles illégales avec une mineure - bénéficie en Pologne, n'agit pas en cas de requête des États-Unis présentée en vertu d'un accord de coopération entre les deux pays, a précisé le porte-parole.

Garanties suffisantes

Le metteur en scène de Chinatown et du Pianiste, qui s'est présenté jeudi dans la matinée au parquet de Cracovie, a donné des garanties suffisantes pour que son interpellation ne soit pas jugée nécessaire, selon le parquet.

«Roman Polanski s'est engagé à se présenter à chaque demande du parquet et du tribunal et a indiqué son adresse», a déclaré M. Martyniuk. «C'est pour cette raison que le procureur a décidé qu'il n'était pas nécessaire de demander au tribunal de recourir au moyen de détention provisoire en attendant une éventuelle demande d'extradition», a-t-il ajouté.

En Pologne, c'est un tribunal indépendant qui statue sur une demande d'extradition. S'il la refuse, l'affaire s'arrête là. S'il l'approuve, la décision finale d'extradition est prise par le ministre de la Justice.

Polanski, citoyen polonais et français âgé aujourd'hui de 81 ans, s'est rendu en Pologne pour assister à l'inauguration du Musée d'Histoire des Juifs de Pologne, mardi à Varsovie.

Né en 1933 à Paris de parents juifs polonais qui sont rentrés en Pologne deux ans avant le début du conflit mondial, Polanski est marqué par son enfance derrière le mur du ghetto de Cracovie.

Réalisateur surdoué, acteur, scénariste et producteur, il est l'auteur d'une quarantaine de films, dont Cul de sac (1966), Le bal des vampires (1967), Rosemary's Baby (1968), Chinatown (1974), Le locataire (1976), Tess (1979) et Le pianiste (2002).

Il a reçu le César 2014 du meilleur réalisateur pour La Vénus à la fourrure.

L'Affaire Dreyfus

On lui doit aussi la mise en scène d'une comédie musicale inspirée du Bal des vampires, donnée actuellement à Paris, après une tournée dans plusieurs pays et une longue escale à Broadway.

Infatigable, il prépare un film sur l'Affaire Dreyfus, dont une partie pourrait être tournée en Pologne. Polanski voit une ressemblance entre l'acharnement d'une partie des médias et des institutions contre le capitaine Alfred Dreyfus, Français d'origine alsacienne et de confession juive, accusé de trahison et finalement innocenté, avec ce qui lui est arrivé.

En 1977, en Californie, le réalisateur alors âgé de 43 ans avait été poursuivi pour avoir violé la jeune Samantha Geimer, âgée de 13 ans.

Après 42 jours de prison, puis sa libération sous caution, le cinéaste qui avait plaidé coupable de «rapports sexuels illégaux», s'était enfui des États-Unis avant le prononcé du verdict, craignant d'être lourdement condamné.

En 2009, toujours à la demande de la justice américaine, il avait été arrêté à Zurich, où il était allé recevoir un prix, puis assigné à résidence en Suisse pendant quelques mois, mais n'a pas été extradé.

Polanski est venu incognito en Pologne en 2011 sans être inquiété. Mais sa présence cette semaine ne pouvait rester secrète, son visage apparaissant à la télévision lors de l'inauguration du musée.