Oui, Xavier Dolan est une star en France. On a pu s'en rendre compte jeudi soir, à l'avant-première parisienne de son tout premier film en anglais, The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan).

Quatre salles d'un grand cinéma de la capitale avaient été réquisitionnées pour l'occasion. Les fans - surtout des jeunes - avaient acheté leurs billets deux semaines à l'avance. Il y avait dans l'air une atmosphère de festival, avec spots et tapis rouge.

Quand le jeune réalisateur est arrivé sur les lieux, des dizaines d'iPhone se sont levés vers le ciel. Certaines personnes lui ont demandé des autographes. D'autres ont voulu poser avec lui. Souriant, Dolan s'est prêté au jeu pendant que les caméras de télé le suivaient de près.

Les deux vedettes du film qui l'accompagnaient, Kit Harington et Susan Sarandon, étaient tout aussi sollicitées. Surtout Harington, devenu immensément populaire depuis sa participation à la série Game of Thrones. De nombreuses jeunes filles étaient d'ailleurs venues pour lui, et non pour le cinéaste. Un supplément de « glamour », qui ajoutait au côté « événement » de la soirée.

« Le meilleur film possible »

On ne reviendra pas sur la postproduction laborieuse de ce septième film de Dolan, qui a mis près de trois ans à voir le jour. Ni sur les critiques assassines (chez les anglophones, surtout) qui ont suivi sa projection au dernier festival de Toronto.

La plupart des « dolanophiles » rencontrés hier ne semblaient pas du tout impressionnés par le mauvais sort qui semble s'acharner sur cette coproduction canado-britannique. Certains voulaient se faire leur « propre opinion », d'autres n'étaient que vaguement au courant.

Dolan, lui, a fait amende honorable. Dans une courte allocution livrée avant la projection, le cinéaste, « nerveux et fébrile », s'est excusé de « l'attente » provoquée par ce très long accouchement. Il a toutefois déclaré que Ma vie avec John F. Donovan était « le meilleur film que je puisse faire à ce moment », ajoutant avoir « tout donné pour que ce film existe ».

PHOTO SHAYNE LAVERDIÈRE, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Kit Harington

PHOTO SHAYNE LAVERDIÈRE, FOURNIE PAR LA PRODUCTION

Susan Sarandon

Porté par une distribution de luxe (outre Harington et Sarandon, Thandie Newton, Kathy Bates, Natalie Portman, Jacob Tremblay en sont) et un budget plus que confortable (28 millions US), The Death and Life of John F. Donovan semble a priori plus accessible et moins outrancier que les Dolan précédents. Mais la patte Dolan reste bien présente, tant dans la forme que sur le fond.

C'est du moins ce qui se disait jeudi, en sortant de la projection. Commentaires globalement positifs, quoique mitigés, de fans inconditionnels et d'autres plus critiques.

Beaucoup avaient le sentiment d'avoir retrouvé « leur » Dolan, ses tours de force stylistiques, sa puissance émotionnelle et ses bandes-son fulgurantes.

« Laissez-moi sécher mes larmes, lance Calvin, je suis encore tout ému. » « J'ai adoré », ajoute Marie, parlant d'un « film magnifique sur le paraître et les faux-semblants imposés par la société » (on y raconte l'histoire d'un acteur connu qui cache son homosexualité et entretient une correspondance - platonique - avec un jeune fan).

D'autres, en revanche, ne semblaient pas convaincus par ce premier exercice en anglais, qui leur semblait « hollywoodien » et « plus classique ».

« Pas son meilleur film », tranche Florine, qui prépare par ailleurs une thèse de maîtrise sur le jeune prodige québécois, tandis que Rémi y relève « moins de force et de fluidité » qu'à l'habitude.

« C'est pareil, mais différent », résume-t-il.

Pas de distribution au Québec

Il faudra attendre la sortie officielle du film pour savoir ce qu'en pense la critique française. Ma vie avec John F. Donovan doit prendre l'affiche le 13 mars sur 350 écrans dans l'Hexagone, le seul pays où il est actuellement distribué - ironique, si l'on songe qu'il s'agit du premier film de Dolan en anglais.

Et au Québec ? Ce ne sera pas au printemps comme on l'avait prévu.

Apparemment, la compagnie E1, qui vend le film à l'international, n'a toujours pas trouvé de distributeur aux États-Unis. Or, il semble que toute distribution au Canada, et donc au Québec, est liée à une entente avec les Américains.

Les mauvaises critiques au festival de Toronto expliqueraient-elles la lenteur des négociations ? « Je ne cacherai pas que ça doit jouer », confie la coproductrice du film Lyse Lafontaine, rencontrée avant la projection. Selon elle, le style flamboyant de Xavier Dolan n'est pas nécessairement adapté à « la sensibilité anglo-saxonne », ce qui expliquerait la réception virulente après Toronto. Mais elle suggère qu'on serait près d'une entente pour le marché américain.

Histoire à suivre, pour le meilleur et le moins bon...

JACOB TREMBLAY

Photo Shayne Laverdière, fournie par la production