Les confins reculés de cette «galaxie lointaine, très lointaine» pourraient ne pas être aussi vastes qu'on le pensait auparavant.

Solo: une histoire de Star Wars n'a pas fait courir les foules pendant la longue fin de semaine du jour du Souvenir aux États-Unis, avec des ventes aux guichets estimées à «seulement» 103 millions $ US entre jeudi et lundi.

La plupart des films rêvent de telles ouvertures, mais la norme pour Star Wars est différente.

Solo, qui a changé de réalisateur à mi-production, a coûté plus de 250 millions $ US et on lui prédisait des recettes d'environ 150 millions $ US pendant la première fin de semaine. Mais pour la première fois, le mastodonte Star Wars a été humilié au box-office. L'ouverture a marqué le plus mauvais début dans l'histoire de la franchise et l'action de Disney a chuté de 2,5 % mardi.

Nul besoin, pour le moment, de sortir dans les rues en hurlant «Sauvons les Wookies!». Mais pour la première fois depuis que Disney a acquis Lucasfilm en 2012 pour 4,05 milliards $ US, le potentiel de profit dans la saga spatiale de George Lucas ne semble plus illimité.

Au lieu d'inaugurer une nouvelle trilogie Han Solo, le décollage décevant de Solo n'a fait qu'intensifier les questions qui tournaient déjà autour de l'une des plus grandes propriétés du monde du film. Y a-t-il un cinéaste à part J.J. Abrams qui peut rallier à la fois les amateurs les plus intransigeants et les nouveaux fans? À quel point les suites et les films dérivés devraient-ils se conformer aux originaux? Y a-t-il quelqu'un en Chine qui se soucie un iota des sabres laser?

«Je pense qu'ils ont constaté qu'ils avaient un problème il y a longtemps, a déclaré Jeff Bock, analyste principal de la billetterie pour Exhibitor Relations. Quoi, 75 % des réalisateurs sont virés et ne terminent pas le film? Vous avez des problèmes internes.»

Ces problèmes se sont cristallisés pour Solo, lorsque les cinéastes Phil Lord et Christopher Miller ont été remplacés pendant le tournage par Ron Howard, qui a amené le film dans une direction comique moins irrévérencieuse et plus proche du scénario coécrit par Lawrence Kasdan, le vétéran scribe Star Wars de L'Empire contre-attaque et du Retour du Jedi.

Jadis envisagé comme un antépisode de style western, Solo s'est transformé en bataille existentielle sur le ton de Star Wars, alors que Lucasfilm luttait pour trouver un équilibre entre l'ancien et le nouveau.

«Si c'est l'affaire des films maintenant - et ce sont ceux qui sont présentement dans les salles de cinéma -, alors ce seront des tiraillements constants, a déclaré M. Kasdan lors d'une entrevue avant la sortie du film. Il y a une chose supplémentaire quand vous faites un film Star Wars: vous rencontrez des gens en Angleterre (...) qui travaillent dessus depuis 40 ans, c'est comme se joindre à une secte. Vous avez les mêmes personnes qui ont travaillé sur le costume de Chewie dans le film original et qui travaillent encore dessus.»

Trouver un moyen de faire avancer Star Wars tout en conservant des liens spirituels avec la trilogie originale de Lucas ne fera que se compliquer. La prochaine étape est l'épisode IX, dont J.J. Abrams a pris la barre après que Colin Trevorrow eut été largué. Mais après ce film, qui clôturera en décembre 2019 la troisième trilogie Star Wars, une série de suites et de films dérivés sont prévus.

Le scénariste et réalisateur du «dernier Jedi», Rian Johnson, développe une autre trilogie dans la lignée principale des films. Les créateurs de Game of Thrones, D.B. Weiss et David Benioff, écriront et produiront un lot séparé de films Star Wars. Jon Favreau écrit et exécute une série pour la prochaine plateforme de diffusion continue de Disney. James Mangold (Logan) s'affaire à écrire et à réaliser un film de Boba Fett. Des rumeurs évoquent depuis longtemps un film dérivé pour Obi-Wan Kenobi. Et Disney va ajouter l'année prochaine des villages Star Wars à ses parcs.

Des signes de fatigue?

Les films qui se succèdent commencent, pour certains, à diluer la magie de Star Wars. Solo est arrivé seulement cinq mois après Le dernier Jedi, et certains se demandent maintenant si les cinéphiles ne donnent pas des signes de fatigue face à Star Wars.

«Ces trois premiers films que nous avons réalisés ont généré plus de 4 milliards $ US. Il s'agit de notre quatrième film en quatre ans depuis que nous sommes propriétaires de la franchise Lucasfilm, a déclaré Dave Hollis, chef de la distribution chez Disney. Il est un peu prématuré de parler de fatigue. Nous planifions aussi nos sorties des films Star Wars dans les mêmes salles où nous projetons des films pour l'univers cinématographique de Marvel, et nous avons eu Thor, Black Panther et Infinity War en novembre, février et mai, et ils ont tous connu un énorme succès.»

On ne sait pas encore si Star Wars pourra être «marvelifié». Même si la force culturelle collective de Star Wars demeure titanesque, elle s'inspire d'abord et avant tout de la trilogie originale (64 % de ceux qui ont vu Solo avaient plus de 25 ans).

Et il manque un gigantesque orteil à son empreinte internationale. La Chine, où les premiers films de Lucas n'ont jamais été offerts, n'a montré que peu d'intérêt pour les nouveaux chapitres de Star Wars. Le dernier Jedi a survécu seulement une semaine dans les salles chinoises. Solo, qui a rapporté 65 millions $ US à l'étranger, a fait encore pire, avec seulement 10,1 millions $ US dans le deuxième plus grand marché cinématographique du monde - un trou noir intenable pour toute superproduction mondiale aujourd'hui.

«La Chine en particulier exige une conversation en profondeur et probablement un déploiement à plus long terme d'une stratégie visant à faire connaître, dans de nombreux cas, des personnages que d'autres pays ont eu l'avantage de voir grandir, a déclaré M. Hollis. Alors ça va prendre du travail.»

M. Bock estime que Lucasfilm doit devenir plus créatif avec Star Wars, faire confiance aux cinéastes pour expérimenter, essayer un film classé «adulte» et faire tout ce qu'il faut pour augmenter la popularité en Chine. «Si cela signifie l'embauche de Dwayne Johnson pour le prochain, alors c'est ce que vous faites, explique M. Bock. Il est le réparateur de la franchise.»

Mais la meilleure solution pour Star Wars pourrait être encore plus simple. Une moitié complète - et probablement la moitié nettement la plus faible du canon Star Wars - suit les événements menant à Un nouvel espoir. Solo, Rogue One et la trilogie peu aimée de George Lucas en 1999-2005 servent toutes de prélude au futur.

Donc, quels que soient les changements qui doivent être apportés à l'univers Star Wars, Lucasfilm pourrait commencer là: regarder vers l'avenir, et abandonner les antépisodes.