Même s'il occupe une place très importante dans l'imaginaire collectif français, Mai 68 n'a pourtant pas été évoqué très souvent au cinéma. Des documentaristes et reporters ont pu capter des images en direct dans les rues, mais le cinéma de fiction, déjà nourri de l'esprit de la Nouvelle Vague depuis la fin des années 50, avait pressenti le mouvement. On compte relativement peu de longs métrages faisant directement écho à cette époque déterminante, mais quelques-uns d'entre eux furent néanmoins marquants.

La maman et la putain

Jean Eustache (1973)

Même s'il n'évoque pas directement les événements de Mai 1968, ce film de Jean Eustache est pourtant considéré comme l'une des oeuvres emblématiques de l'époque. Dans ce récit autobiographique, qui décrit l'histoire d'un homme qui tombe amoureux de deux femmes en ne cachant rien ni à l'une ni à l'autre, le cinéaste capte l'esprit d'une génération coincée entre les idéaux de la Nouvelle Vague et la désillusion naissante de l'après-Mai. Présenté en 1973 au Festival de Cannes, où il a suscité la polémique tout en obtenant le Grand Prix, le film est aujourd'hui considéré comme un chef-d'oeuvre. D'une durée de 3 h 40, La maman et la putain met en vedette Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafont et Françoise Lebrun.

Sur YouTube

Jonas qui aura 25 ans en l'an 2000

Alain Tanner (1976)

Huit ans après la «révolution», les lendemains déchantent grandement pour quatre couples de Genève dont les histoires s'entrecroisent. Ceux-ci expriment leurs frustrations, lesquelles sont d'ordre intime autant que social. Voilà un film qui a beaucoup fait parler à l'époque de sa sortie, pour pratiquement tomber dans l'oubli ensuite. Le cinéaste suisse Alain Tanner s'est aussi fait remarquer grâce à La salamandre (1971) et à Dans la ville blanche (1983).

Sur YouTube

Mourir à trente ans

Romain Goupil (1983)

On dit de ce très beau film, lauréat de la Caméra d'or au Festival de Cannes en 1983, qu'il est un «testament révolutionnaire». Romain Goupil a emprunté une forme documentaire pour dresser le portrait d'une génération, la sienne, et pour remettre en question son passé de militant à la suite du suicide d'un ami, Michel Recanati. Documents intimes et témoignages se mêlent à des scènes tournées pendant les manifestations de 1968. Un journal filmé, en somme. 

En DVD (importation - zone 2 seulement).

Milou en mai

Louis Malle (1990)

Le récit de cette comédie dramatique, dont la tête d'affiche est Michel Piccoli, repose sur le cours des traditions au sein d'une famille bourgeoise installée à la campagne, alors qu'en cette année 1968, au gré des manifestations, le monde est en train de basculer complètement à Paris. On aura pu voir dans ce film, réalisé 22 ans après Mai 68, la vision d'une société qui, malgré la révolte, n'a pas changé autant qu'on aurait pu le croire.

En DVD/Blu-ray

PHOTO FOURNIE PAR MK2 PRODUCTIONS

Avec Mourir à trente ans, Romain Goupil a emprunté une forme documentaire pour dresser le portrait d'une génération, la sienne, et pour remettre en question son passé de militant à la suite du suicide d'un ami, Michel Recanati (avec le drapeau et le mégaphone).

The Dreamers (Innocents)

Bernardo Bertolucci (2003)

En invitant un étudiant américain (Michael Pitt) à partager leur appartement laissé libre par leurs parents, deux jeunes Parisiens, frère et soeur (Louis Garrel et Eva Green), testent leurs limites et partent à la recherche d'eux-mêmes, pendant les émeutes de Mai 1968. Le vétéran Bertolucci revient ainsi sur une période qui éveille en lui «de merveilleux souvenirs». Le film évoque notamment les manifestations de soutien à Henri Langlois, que les autorités songent à écarter de la Cinémathèque française, dont il est l'un des fondateurs. Le film s'est aussi distingué grâce à une séquence où les trois personnages recréent une scène de Bande à part, de Jean-Luc Godard.

Accessible en DVD/Blu-ray 

Les amants réguliers

Philippe Garrel (2005)

Voilà le film de fiction qui évoque Mai 68 de la façon la plus frontale. À travers le parcours de François (Louis Garrel), jeune poète ténébreux qui tombe amoureux d'une jeune femme qu'il a connue sur les barricades de Mai 68, le cinéaste oppose les fantasmes charriés par les désirs de toute une génération à la dure réalité. Même s'il exalte la mythologie liée aux combats menés à cette époque, le portrait n'en reste pas moins âpre. Philippe Garrel reste cependant habité par ses idéaux, fidèle au point d'afficher ici la même intransigeance sur le plan artistique, tant sur le fond que dans la manière.

À la Cinémathèque québécoise, le 13 mai à 17 h

photo fournie par TFM Distribution

The Dreamers (Innocents) évoque notamment les manifestations de soutien en faveur d'Henri Langlois, que les autorités songent à écarter de la Cinémathèque française, dont il est l'un des fondateurs.

Après Mai

Olivier Assayas (2012)

En s'inspirant de ses souvenirs, mais pas seulement, Olivier Assayas propose un portrait de la jeunesse du début des années 70, profondément marquées par l'engagement idéologique engendré par les manifestations de Mai 68. En embauchant de jeunes acteurs, qui faisaient alors leurs premiers pas au cinéma, le cinéaste a pu se rendre compte de l'immense fossé générationnel qui les sépare. Et réaliser à quel point les événements de 1968 appartiennent véritablement à une autre époque. 

En DVD (sous le titre Something in the Air)

Mai 68 à la Cinémathèque québécoise

Pour souligner le 50e anniversaire de Mai 68, la Cinémathèque québécoise propose un programme constitué de quelques films qui évoquent cette époque de grande contestation.

Info: http://www.cinematheque.qc.ca/fr/programmation/projections/cycle/mai-68

PHOTO FOURNIE PAR MK2 DIFFUSION

Avec Après Mai, Olivier Assayas propose un portrait de la jeunesse du début des années 70, profondément marquées par l'engagement idéologique engendré par les manifestations de Mai 68.