L'écrivain Ernest Cline, auteur du best-seller Ready Player One paru en 2011, ne pouvait espérer mieux qu'un cinéaste de la trempe de Steven Spielberg pour porter à l'écran son roman qu'il jugeait inadaptable. Voici quelques pistes pour comprendre dans quel univers vous allez plonger en entrant dans l'OASIS, un monde virtuel hallucinant transposé par l'un des maîtres de Hollywood.

L'HISTOIRE

Dans le roman d'Ernest Cline, qui se déroule en 2044, l'humanité, plombée par la pollution et l'épuisement des ressources, vit dans un monde dystopique pas trop loin des pires prédictions écologistes, les êtres humains étant confinés dans de sinistres bidonvilles. Mais chacun s'évade dans l'OASIS, un monde virtuel où tout est possible, créé par James Halliday (Mark Rylance), une sorte de génie à la Steve Jobs. À sa mort, il lance un défi à toute la communauté virtuelle : trouver l'oeuf de Pâques (l'« Easter egg ») qu'il a caché dans l'immensité de son univers. Celui qui le trouve héritera non seulement de sa fortune colossale, mais deviendra aussi le maître de l'OASIS.

Cette quête devient l'obsession de tous, et en particulier de Wade Watts (Tye Sheridan), mieux connu sous l'avatar Parzival, un jeune des bidonvilles qui trouvera la première clé. Il sera pourchassé par Nolan Sorrento (Ben Mendelsohn), à la tête d'une multinationale et d'une armée de « chassoeufs », prêt à tout pour gagner la partie et pervertir l'héritage de Halliday. Parzival, suivi par le monde entier, sera épaulé par plusieurs amis, notamment Art3mis (Olivia Cook), dont il tombe amoureux et qu'il aimerait rencontrer dans la vraie vie, car... « il n'y a que la réalité qui est réelle », dixit Halliday.

UNE ODE AUX ANNÉES 80

Pour parvenir à trouver l'oeuf de Halliday, le « chassoeuf » doit connaître sa vie dans ses moindres détails. Chacun lit avec dévotion l'Almanach d'Anorak, le nom de l'avatar de James Halliday, un vaste journal de sa vie. Or, Halliday a grandi dans les années 80 et tout l'OASIS s'en inspire. Comme l'auteur Ernest Cline, né en 1972, qui a pris un malin plaisir à remplir son roman de références à la culture geek de cette décennie, dans ses jeux vidéo, sa musique, son cinéma et sa mode, par exemple. Juste pour vous donner une idée, Cline est propriétaire d'une vraie DeLorean de 1982 transformée en machine à voyager dans le temps (comme dans Back to the Future), et d'un proton pack, l'outil des Ghostbusters...

Parmi ces références aux années 80, ça tombe bien, il y a bien sûr Spielberg, qui a contribué énormément à cette culture. Mais le cinéaste a confié dans diverses entrevues avoir évité de se citer lui-même dans son adaptation cinématographique. « Parce que c'est aussi prétentieux que sinistre », a-t-il dit à 20 Minutes.

RÉALITÉ C. VIRTUALITÉ

Steven Spielberg, qui n'avait pas tourné de science-fiction depuis War of the Worlds en 2005, a affirmé s'être amusé comme un gamin avec Ready Player One, mais qu'il s'agissait aussi de son film le plus « éprouvant », après le catastrophique tournage de Jaws en 1975 et la difficile réalisation de Saving Private Ryan en 1998. C'est que Ready Player One mélange la virtualité de l'OASIS à des scènes « réelles » et que le cinéaste ne voulait rien perdre en passant d'un monde à l'autre. « En général, dans la translation entre l'acteur et son équivalent en motion capture, on perd 40 % en termes d'authenticité et d'émotion, a-t-il confié au magazine Le Point. Mais moi, je voulais garder les 100 %, je voulais retrouver dans le monde digital l'intégralité de ce que les acteurs me donnaient dans la vraie vie. »

Enfin, dites-vous que Spielberg, qui a toujours voulu éblouir les cinéphiles et qui a marqué l'histoire des effets spéciaux avec E.T. ou Jurassic Park, ne cède pas sa place d'un pouce avec Ready Player One, qui nous en met vraiment plein la vue.

LA CHASSE AUX OEUFS

Ce n'est probablement pas un hasard si le film sort le week-end de Pâques, puisque la chasse à l'oeuf de Pâques est au coeur de l'intrigue de Ready Player One. Le terme est passé dans la culture des jeux vidéo, car c'est ce dont raffolent les gamers : trouver des éléments cachés dans les programmes qui ouvrent des portes secrètes. Dans son roman, Ernest Cline s'est inspiré du premier « Easter egg » de l'histoire des jeux vidéo, soit le nom du concepteur du jeu Adventure pour l'Atari 2600, Warren Robinett, qu'il avait caché dans le labyrinthe, à une époque où les noms des concepteurs ne figuraient pas toujours sur les jeux. L'esprit du film en est tapissé, car Ready Player One, c'est littéralement une orgie de clins d'oeil à la culture geek. En fait, il ne faut pas cligner des yeux tellement les références abondent dans un visuel surchargé. Surveillez les décors, les affiches, les t-shirts, les macarons, les cassettes, les centaines d'avatars, vous allez y trouver une véritable encyclopédie visuelle (et auditive parfois) de la décennie 1980, dans laquelle Spielberg dit avoir caché son propre oeuf ! Assurément, Ready Player One va devenir en DVD un de ces films qu'on va mettre sur pause à chaque plan pour scruter les moindres détails...

Photo fournie par les éditions Michel Lafon

Ernest Cline, auteur du livre Player One, et sa DeLorean

L'ATTENTE D'UN FAN

Les geeks nostalgiques de la planète attendent ce film de pied ferme. Comme Steve Corfield, qui a créé avec deux partenaires le « havre de gamers » Rétro Arcade 2PM à Notre-Dame-de-Lourdes, qui contient une cinquantaine de machines anciennes de l'époque fétiche de Ready Player One. C'est un fan du roman d'Ernest Cline et, comme lui, il a grandi dans les années 80, à jouer à des jeux vidéo et à se sentir fier d'avoir trouvé l'oeuf de Castlevania... « Ça me parle énormément, dit-il. J'ai dévoré le roman, en français et en anglais. Mon arcade est en plein dans cette niche nostalgique, nous l'avons créée pour que les gens se rencontrent, comme quand on se réunissait à l'arcade quand nous étions enfants. Les yeux des gens s'allument quand ils arrivent ici. » Pour lui, Ready Player One exploite le fantasme de tous les gamers : entrer complètement dans son jeu vidéo préféré. « On a tous rêvé de passer notre vie dans un monde virtuel, à vivre des aventures. Quand tu te faisais "bullyer" à l'école, tu jouais à Donjons & Dragons. Ce qui me fascine, c'est qu'à 40 ans, j'ai connu le début de tout ça. Et aujourd'hui, les jeux vidéo sont passés d'une activité de loser geek à des gens qui y jouent massivement. »

Pour la sortie du film vendredi, Steve Corfield a organisé un road trip à Montréal avec des amis et il a très hâte d'entrer dans l'OASIS. « Je m'attends à une belle "ride", je veux triper. Et je suis content de savoir que le film dure 2 h 20. C'est juste parfait ! »

Photo fournie par Warner

Mark Rylance dans Ready Player One (2018) Hallyday (qui porte le t-shirt de Space Invaders) avec Parzival.