Il a inventé un cinéma, marqué par New York et la culture juive, reconnu et célébré bien au-delà des États-Unis, mais à 82 ans, Woody Allen est de nouveau rattrapé par le scandale, qui le suit depuis un quart de siècle.

Né dans le Bronx le 1er décembre 1935, élevé à Brooklyn, Allan Stewart Konigsberg, qui a changé de nom en 1952, est un cinéaste profondément new-yorkais mais qui a toujours eu le regard tourné vers l'Europe.

«À mes débuts, je rêvais d'être Godard, Fellini, Truffaut ou Resnais! Avec Bergman et Antonioni, ce sont les cinéastes qui m'ont donné envie de faire ce métier», déclarait, en 2014, celui dont la silhouette frêle et les lunettes à grosse monture sont reconnaissables instantanément.

Ses premiers films sont des ovnis, comédies iconoclastes très écrites dont il est invariablement le personnage principal, qui font entendre une voix unique dans le paysage cinématographique.

En 1978, il décroche deux Oscars pour Annie Hall, qui est aussi un relatif succès au box-office pour ce réalisateur dont les films ont toujours été construits sur de petits budgets, avec des perspectives commerciales limitées.

Apprécié des critiques, suivi, film après film, par un public fidèle, Woody Allen recevra deux autres Oscars et 24 nominations au total, ainsi que des prix pour l'ensemble de sa carrière à Cannes et Venise, deux des festivals les plus prestigieux au monde.

Mais dès 1992, il commence à faire la Une pour tout autre chose que du cinéma lorsqu'il quitte sa compagne de longue date Mia Farrow pour l'une des filles adoptives de l'actrice, Soon-Yi Previn, âgée de 21 ans et de 35 ans sa cadette.

La séparation est mouvementée, d'autant que Dylan, une autre fille adoptive de Mia Farrow, âgée de 7 ans à l'époque, accuse le réalisateur de l'avoir agressée sexuellement. Woody Allen dément et au terme d'enquêtes de deux agences de protection de l'enfance, il n'est pas poursuivi par la justice.

Aujourd'hui âgée de 32 ans, Dylan Farrow n'a jamais varié dans ses déclarations et réitéré ses accusations à plusieurs reprises, jusqu'à cette semaine dans un entretien diffusé jeudi par la chaîne CBS.

«Malsain»

L'ombre portée par Dylan Farrow et sa liaison avec Soon-Yi Previn, qui partage toujours sa vie et avec laquelle il a adopté deux filles, poursuivent Woody Allen depuis 25 ans.

Aux États-Unis, où il a longtemps été vu avec sympathie pour son excentricité et son humour, son image a basculé et il est régulièrement qualifié de «malsain» («creepy») par la presse.

Son goût supposé pour les jeunes filles a souvent été cité, encore très récemment lorsque la presse a fait état d'une scène de son dernier film A Rainy Day in New York évoquant la relation entre le personnage joué par Elle Fanning, qui est censée avoir 15 ans (elle en a en réalité 19), et Jude Law, un homme mûr.

Jusqu'ici, ce parfum de scandale n'avait pas empêché le tout Hollywood de se presser pour jouer, pour presque rien, dans ses films, signe d'une aura artistique en décalage avec les recettes de ses films.

Mais la roue tourne. Plusieurs acteurs ont récemment annoncé qu'ils ne travailleraient plus avec lui et plusieurs interprètes de A Rainy Day in New York se sont engagés publiquement à reverser le montant de leur cachet à des associations de soutien aux victimes de harcèlement.

À l'écart des grands studios, incapable un temps de trouver des financements pour ses films aux États-Unis, Woody Allen s'était tourné vers l'Europe, qui a financé la majorité de ses derniers longs métrages depuis une dizaine d'années.

Le géant américain Amazon l'a récemment pris sous son aile, mais dans l'ère post-Weinstein, les accusations de harcèlement sexuel ou d'agression sexuelle sont devenues radioactives.