«C'est un rôle peu habituel, sans grandes scènes ou transformation. C'est un type simple qui n'a rien d'exceptionnel en apparence mais a bon coeur», affirme Willem Dafoe à propos de son rôle dans The Florida Project, qui fait de lui un candidat sérieux pour les Oscars.

«Mais, dans le contexte du film, il représente l'espoir que les choses aillent mieux».

Dans The Florida Project, sorti à l'automne aux États-Unis, il incarne Bobby, le gérant d'un motel où vivent des laissés pour compte près de Disney World dont Mooney, une gamine délurée de six ans.

Connu pour ses collaborations avec Abel Ferrara et Lars Von Trier, Willem Dafoe est d'ores et déjà mis en nomination comme meilleur second rôle masculin aux Golden Globes et aux Prix du syndicat des acteurs. Il pourrait aussi être en lice pour un Oscar, récompense qu'il n'a jamais remportée.

Habitué à des rôles intenses (La dernière tentation du Christ) ou de méchants (Spider Man), Dafoe est quasiment le seul professionnel au sein d'une troupe iconoclaste réunissant une actrice découverte sur Instagram (Bria Vinaite dans le rôle de la mère) et une enfant repérée dans un supermarché (Valeria Cotto, la timide Jancey).

«J'aime voir de nouvelles têtes à l'écran», confirme le réalisateur Sean Baker, découvert avec Tangerine (2015), un ovni tourné avec un téléphone intelligent sur le périple de deux prostituées transsexuelles au cours d'une journée à Los Angeles.

Et «j'aime voir ce qui se passe quand un acteur installé est confronté à un débutant, (mais) il faut des acteurs patients et généreux pour que cela fonctionne, ce qui est le cas de Willem Dafoe». «Dès que nous nous sommes rencontrés, nous étions sur la même ligne», confie-t-il.

Sean Baker «était dans mon radar», confirme l'acteur de 62 ans, qui s'est dit «bluffé par l'énergie et la créativité de Tangerine».

L'envers du rêve américain

The Florida Project conte le quotidien de Mooney et de sa mère, Halley - la vingtaine seulement et autant de tatouages - qui revend des eaux de toilettes aux touristes de passage et multiplie les combines pour payer son loyer, sous le regard bienveillant de Bobby.

«Je suis attiré par ce genre d'histoires: l'envers du rêve américain, ceux qui sont laissés de côté» et vivent en marge de l'industrie à rêves de Disney, souligne le réalisateur.

Si son sujet, documentaire, illustre la crise du logement, la réalisation est aux antipodes, Sean Baker filmant à hauteur d'enfant et se délectant des pitreries de ses jeunes acteurs qui crachent, par exemple, sur des voitures dans une scène inaugurale.

«Presque tout le film est vu à travers les yeux d'un enfant. Les sujets plus adultes ne sont pas montrés à l'écran, il y une sorte d'enrobage pour bonbons», confirme-t-il.

Pour sa première réalisation avec des enfants, il s'est entouré d'une coach et a transformé l'expérience en camp de vacances. À l'écran, cela se traduit par une énergie incroyable avec des enfants improvisant avec naturel.

«Ce n'était pas ce qu'on peut appeler une atmosphère de travail très "professionnelle". Et parfois, on se disait "ça va trop loin"», se souvient Willem Dafoe, en plaisantant.

Déjà habituée aux caméras, Brooklynn Prince impressionne par sa maturité et le tandem qu'elle forme avec Bria Vinaite. Elle pourrait elle aussi glaner des récompenses.

The Florida Project doit beaucoup à son esthétique privilégiant les couleurs criardes et les bâtiments aux formes incongrues (glaciers, chaînes de restauration rapide, magasins d'armes).

Le film a d'ailleurs été tourné dans un véritable motel. Une façon de rester «connecté aux gens sur place», explique Sean Baker, qui a même résidé dans ce type de motels plusieurs mois avant le début du tournage.