Je n'avais pas revu Titanic - dans son entièreté - depuis mes 24 ans. Un deuxième visionnement a confirmé ce que j'en pensais il y a 20 ans. Je crois même avoir détesté ça encore plus que la première fois. Voici pourquoi.

Le romantisme à l'eau de rose

Un scénario à l'eau de rose, une histoire d'amour improbable et exaspérante, mille fois remâchée, entre une belle aristocrate rebelle, engoncée dans un carcan familial strict, et un jeune vagabond désargenté, mais ô combien libre! Une bluette sentimentale rose bonbon, une romance adolescente valsant entre le roman Harlequin et le film familial à la Disney (dauphins en prime!). Une amourette cucul sur fond de catastrophe, un mélodrame mielleux et racoleur... Comment dire? Je n'ai pas cru une seconde à l'idylle de Jack et Rose. Ni à ce récit superflu de diamant surdimensionné qui fait rêver des chasseurs de trésors et que tente de récupérer un fiancé jaloux en tirant à coups de feu sur sa promise. Que cherche à nous dire James Cameron avec ce bijou jeté à la mer? Que l'amour est plus précieux que du carbone cristallisé ? On l'espère ! Je dois avoir un coeur de pierre.

Les clichés

Le scénario de Titanic est pétri de clichés. Les riches sont pour la plupart d'horribles, vils et méprisables personnages : une marâtre prête à brader sa fille pour éponger les dettes de son mari, un homme d'affaires véreux qui offre un diamant à sa fiancée de 17 ans en espérant qu'elle consente à des relations sexuelles et qui se sert d'un enfant pour obtenir une place sur un bateau de sauvetage. Le pleutre. Les pauvres, en revanche, sont bons, gentils, courageux et font la fête (quelle scène interminable) dans la cale du navire sans jamais rechigner ni en venir aux coups malgré les litres de bière noire. Rose est sauvée de la noyade par Jack dès la première demi-heure du film. Elle glisse inopinément de la balustrade au moment précis où il lui tend la main pour qu'elle revienne sur le pont... comme dans 93 % des films d'action hollywoodiens. Soupir. Non! Pas le coup de la trace de main sur la vitre arrière de l'auto embuée pendant une scène d'amour? Misère.

Les invraisemblances

Rose admire ses tableaux. Celui-là est de qui? lui demande sa servante. «Quelque chose» Picasso, répond-elle. Le tableau? Les Demoiselles d'Avignon. Seulement l'un des plus célèbres tableaux de l'un des plus célèbres artistes du XXe siècle (Pablo pour les intimes, déjà bien connu des collectionneurs d'art à l'époque). Une oeuvre qui ne s'est jamais trouvée sur le Titanic, évidemment, et qui est aujourd'hui exposée à New York (au MoMA). Rose compte aussi dans sa collection L'étoile de Degas (Edgar de son petit nom, exposée au musée d'Orsay), ainsi qu'une toile de la série des nymphéas de Monet (dit Claude). Un autre exemple? Le sauvetage in extremis de Jack par Rose, jamais décoiffée ni démaquillée et pataugeant à son aise dans les eaux glacées de l'Atlantique Nord ayant envahi la cabine, comme si elle trempait dans un bain à remous à Bali. Chill.

La mémoire des victimes

Il y a pour moi quelque chose d'indécent à transformer une tragédie - qui a fait quelque 1500 morts - en film-catastrophe émaillé de blagues de vaudeville déplacées, de scènes de poursuite burlesques et de cascades de thriller d'action typiquement hollywoodien. Titanic est une farce romantique. Dans le traitement de l'histoire par James Cameron, un tâcheron avec énormément de moyens, il y a une réelle banalisation et une déshumanisation d'un drame. Son blockbuster boursoufflé montre des victimes qui meurent comme dans un jeu vidéo. Leurs corps rebondissent sur le métal qui résonne d'un navire en train de sombrer. Mais tout ça sonne creux, factice et terriblement opportuniste. Titanic est un film conventionnel, lisse et moralisateur, faussement anticonformiste, exploitant une prémisse grave. Ce n'est pas un hommage aux disparus, ni une ode aux survivants. C'est une appropriation d'un drame à des fins de divertissement.

La chanson de Céline

Interviewée il y a cinq ans, à l'occasion du 100e anniversaire du naufrage du Titanic, Kate Winslet a déclaré avoir « envie de vomir » lorsqu'elle entend My Heart Will Go On de Céline Dion, qui accompagne le générique du film. L'actrice a confié à MTV qu'écouter la célèbre ballade de la diva québécoise était pour elle une source de torture qu'on lui fait subir, notamment lorsqu'elle est invitée sur les plateaux de télé, tout en croyant lui rappeler de bons souvenirs. «J'aimerais pouvoir dire: "Écoutez, tout le monde, c'est la chanson de Céline Dion!" Mais je ne le peux pas. Je dois juste rester là, vous savez, l'air impassible, en roulant des yeux intérieurement. [...] Cette chanson me donne envie de vomir... Je ne devrais pas dire ça, mais vraiment, elle me donne envie de vomir!»