Il y a 35 ans, un cinéaste prometteur proposait son deuxième film de science-fiction après le terrifiant Alien, sorti quelques années plus tôt. Avec Blade Runner, l'épouvante laissait cette fois place à la dystopie. Au coeur de l'histoire, l'impact de la technologie sur la société, sujet dont la pertinence ne fait que s'accentuer. Au fil du temps, le long métrage de Ridley Scott est devenu mythique. Explications.

Des moutons électriques

Le roman Do Androids Dream of Electric Sheep? de Philip K. Dick, publié en 1968, a inspiré Blade Runner. Dans ce livre, les animaux ont à peu près tous disparu, et en posséder est un grand signe de richesse. Le film effleure brièvement cet aspect lorsque Deckard (Harrison Ford) demande à Rachael (Sean Young) si son hibou est une réplique et que celle-ci répond qu'il est évidemment faux. Hollywood s'est par la suite inspiré de l'oeuvre de K. Dick à plusieurs autres reprises: Total Recall, Minority Report, The Adjustment Bureau...

Blade Runner plutôt que Dune

Peu de temps après la publication du roman, plusieurs personnes, dont Martin Scorsese, démontrent un intérêt pour adapter l'histoire au cinéma. Un scénario de Hampton Fancher obtient finalement le soutien du producteur Michael Deeley en 1977. Ce dernier convainc Ridley Scott, qui venait de quitter la production de Dune, de se joindre au projet. Notons que le réalisateur de Blade Runner 2049, Denis Villeneuve, doit tourner une nouvelle version de Dune.

Un film, huit versions

À la suite de projections tests décevantes, les producteurs décident d'ajouter au film une narration explicative - Harrison Ford a dit qu'il a détesté l'enregistrer  - et une fin heureuse pour la sortie officielle aux États-Unis. La version présentée dans le reste du monde comprend quant à elle trois scènes assez violentes de plus. Celle présentée à la télévision américaine en 1986 est davantage adoucie.

En 1989, on découvre une copie 70 mm de Blade Runner sans la narration et la fin heureuse, mais avec une scène où l'où voit une licorne en plus. Appelée Director's Cut par les producteurs, cette version n'a cependant pas l'aval du réalisateur. Ce n'est qu'en 2007 que Ridley Scott lancera finalement sa version définitive et préférée du film (Final Cut). Il a même tourné une scène à nouveau pour l'occasion.

Pas un succès immédiat

À sa sortie, Blade Runner ne fracasse rien au box-office. Il amasse 6,1 millions lors de son premier week-end à l'affiche, loin de ses coûts de production, qui s'élèvent à 28 millions. L'arrivée en salle d'E.T. the Extra-Terrestrial et de Star Trek II quelques semaines plus tôt a un impact négatif sur le nombre d'entrées. Les critiques déplorent aussi la lenteur du récit et la surabondance d'effets spéciaux. Avec les années, le film est devenu culte, surtout à la suite de la parution de la Director's Cut et de la Final Cut

Un robot ou non?

Rick Deckard est sommé d'éliminer les quatre répliquants - robots humanoïdes - qui se sont infiltrés sur Terre. Toutefois, quelques signes laissent croire que lui-même n'est pas humain. Tous les répliquants ont à un moment une lueur rouge dans les yeux, et le personnage d'Harrison Ford n'y échappe pas. L'acteur s'était pourtant entendu avec Ridley Scott sur le fait que Deckard était humain. Ce dernier a cependant confirmé dans les dernières années qu'il était un répliquant. Les explications dans Blade Runner 2049...

Placement de produits... malédiction!

Les panneaux publicitaires lumineux sont nombreux dans le Los Angeles de 2019 de Blade Runner. On voit entre autres les logos de Coca-Cola, Bell, RCA, Atari, Pan Am, Cuisinart et Koss. Un drôle de hasard a fait en sorte que chacune de ces sociétés a connu d'importantes difficultés financières ou même fait faillite dans les années qui ont suivi la parution du film. Coca-Cola est toujours un géant aujourd'hui, mais l'entreprise a essuyé de lourdes pertes financières après le lancement du New Coke en 1985. 

Source d'inspiration, même chez Lego

Blade Runner a inspiré de nombreux créateurs en tous genres. Christopher Nolan, Guillermo del Toro, Frank Darabont et bien sûr Denis Villeneuve ont souvent parlé de l'impact que le film de Ridley Scott a eu sur leur démarche. Le réalisateur de The Lego Ninjago Movie, Charlie Bean, ne fait pas exception. «Moi, le directeur artistique Kim Taylor et le reste de l'équipe sommes des enfants de ce film. Nous sommes tellement des fans que nous ne pouvons nous empêcher d'inclure des références dans notre travail», a indiqué le spécialiste de l'animation. Ainsi, la ville de Ninjago et certains véhicules possèdent des traits similaires à ce qu'on retrouve dans le Los Angeles de Blade Runner.

Cyberpunk

Blade Runner a grandement contribué à la découverte du cyberpunk, un genre de science-fiction qui associe souvent les avancées technologiques à la dégénérescence de l'espèce humaine. Pessimistes, sombres et violentes, les oeuvres cyberpunk traitent souvent d'inégalité sociale et de perte d'humanité. Son empreinte se trouve dans une multitude de films (Robocop, Matrix), de séries télé (Dark Angel, Black Mirror), de jeux vidéo (Deus Ex, Watch Dogs), de mangas (Akira, Ghost in the Shell) ainsi que d'innombrables romans et bandes dessinées. 

Pionnier des effets spéciaux

Pour Laurent Spillemaecker, directeur de la section 2D chez Rodeo FX, les effets spéciaux de Blade Runner sont parmi les meilleurs jamais faits. «[Le film] a bien vieilli, entre autres parce que les effets sont toujours aussi bons. Ils ont utilisé à merveille des maquettes extrêmement détaillées et des modèles réduits», explique-t-il. Selon lui, la scène d'ouverture où l'on découvre un Los Angeles futuriste a fait école. «Le plan fixe qui montre toute la ville est encore repris aujourd'hui!» Plus de 80 employés de l'entreprise québécoise ont travaillé sur la suite réalisée par Denis Villeneuve. Laurent Spillemaecker estime que son équipe a ajouté sa touche à 70 plans.

Dans le même univers qu'Alien?

Quelques éléments de la campagne de marketing de Prometheus, film réalisé par Ridley Scott en 2012, semblent indiquer qu'un lien existe entre la Weyland Corporation des séries Alien et Predator et la Tyrell Corporation de Blade Runner. La série Firefly et le film Serenity, deux créations de Joss Whedon, mentionnent aussi la société Weyland. Toutes ces oeuvres pourraient donc faire partie d'un même univers. Blade Runner 2049 et la suite d'Alien: Covenant confirmeront-ils davantage les liens entre celles-ci?

Image fournie par Warner Bros.

L'affiche de Blade Runner