Plus de 30 films répartis en 17 programmes. Anthology Film Archives a décidé de présenter une impressionnante rétrospective consacrée au cinéma direct québécois à New York. Une rare occasion pour nos voisins de prendre la pleine mesure de cette école documentaire unique.

Situés dans une ancienne cour de justice, les locaux d'Anthology Film Archives rappellent quelque peu l'ancienne Cinémathèque québécoise, celle d'avant les rénovations. Un brin vétustes, les installations attirent une faune de cinéphiles purs et durs.

Sauf que même parmi ces passionnés du septième art, rares sont ceux qui connaissent la contribution québécoise au cinéma documentaire dans les années 50, 60 et 70, par l'intermédiaire de l'Office national du film (ONF).

«Il y a des gens qui connaissent les noms de Gilles Groulx ou de Pierre Perrault, mais beaucoup les connaissent de réputation et n'ont pas nécessairement vu leurs films. Ces derniers ne sont présentés que très rarement ici», précise Jed Rapfogel, responsable de la programmation de l'institution.

Avec l'aide du spécialiste Carol Faucher, de l'ONF et la Délégation générale du Québec à New York, Jed Rapfogel a donc décidé de remédier à cette situation et de présenter une rétrospective aussi rare qu'exhaustive.

«Ce que j'avais vu du cinéma direct québécois m'avait impressionné. J'ai donc voulu le faire partager. Notre mission à Anthology est de diffuser des choses qui sont négligées.»

Outre des classiques comme Pour la suite du monde ou Les raquetteurs, la rétrospective propose des films plus rarement diffusés, tels Golden Gloves de Gilles Groulx ou Jour après jour de Clément Perron.

La rétrospective présente également des films précurseurs, tels Corral, réalisé avec un cowboy en Alberta en 1954, ou The Days Before Christmas, filmé à Montréal en 1957 en partie avec une caméra sans trépied et avec du son direct.

Carrière se souvient

Anthology a également invité un des pionniers du mouvement: Marcel Carrière. À 81 ans, le cinéaste qui a notamment cosigné Pour la suite du monde et participé à plus d'une centaine de films est une véritable encyclopédie vivante et une source intarissable d'anecdotes.

«L'ONF était quelque chose d'unique au monde. Il y avait des laboratoires, des techniciens, des producteurs, des compositeurs et tous étaient dans le même édifice», se rappelle le cinéaste à la crinière argentée pour expliquer l'effervescence de l'époque.

Certains films ont ainsi vu le jour de manière tout à fait surréaliste selon les standards d'aujourd'hui. «Pour Les raquetteurs, Michel Brault a falsifié une commande de pellicule à laquelle il a ajouté un zéro! On s'est rendus à Sherbrooke et on a tourné un peu de son synchronisé, ce qui ne se faisait pas du tout à l'époque», se remémore le réalisateur et preneur de son.

Pour la première fois, les cinéastes se mettaient à enregistrer le son de manière synchronisée, avec des caméras mobiles, au lieu de réaliser une bande-son en studio comme cela se faisait traditionnellement.

«La grande révolution, c'est que l'on entendait notre langage. Avant ça, tous les commentaires étaient dans un français parfait, voire avec un petit accent parisien. Tandis que là, on enregistrait du son direct, des gens qui parlaient leur langage», précise le cinéaste.

À ses côtés, Carol Faucher abonde dans le même sens. «Cette jeune génération de cinéastes s'est mise à filmer de l'intérieur, dans la communauté, en étant au coeur des événements. Cela a complètement changé la perception que les gens avaient d'eux-mêmes», conclut le spécialiste.

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La rétrospective se poursuit jusqu'au 19 mai.