Le 24 mai 1991, l'un des plus grands films féministes de l'histoire du cinéma prenait l'affiche pour ne plus jamais sortir de nos mémoires. Retour sur un classique qui, dans ses thèmes, n'a malheureusement pas pris une ride, en ce sens que le sort des femmes à Hollywood, et dans le monde, n'a pas beaucoup changé depuis un quart de siècle.

L'histoire

Un scénario de Callie Khouri. Une réalisation de Ridley Scott. Deux héroïnes, Thelma (Geena Davis) et Louise (Susan Sarandon). Ce qui devait être un week-end de filles se transforme en road trip de fugitives lorsqu'un homme tente de violer Thelma et est tué par Louise. Mais surtout, c'est l'histoire d'une amitié et d'une solidarité féminines rarement vues au cinéma.

Le choc

On a reproché à Thelma & Louise sa violence, puisque les deux femmes répondent par les armes aux multiples agressions qu'elles subissent. Dans son essai Les filles en série (édition Remue-Ménage), l'auteure Martine Delvaux, qui affirme que ce film a fait d'elle une féministe, écrit: «On a tendance à dire de Thelma & Louise qu'il s'agit d'une reprise au féminin de stéréotypes masculins du road movie style Butch Cassidy and the Sundance Kid. Mais j'y vois plutôt un récit de survivance, moins une vengeance qu'une avancée dans le désert pour le plus longtemps possible rester en vie. Ce qui se passe quand les filles en série pointent un pistolet sur la tempe de la misogynie.»

Un selfie historique

Avant d'entamer leur voyage, Thelma et Louise se prennent en photo avec un gros Polaroïd. Vingt-cinq ans plus tard, Susan Sarandon et Geena Davis ont repris la pose avec un iPhone, toujours aussi belles, pour le magazine Harper's Bazaar. Elles avaient déjà fait de même pour The Hollywood Reporter et pour elles-mêmes dans un tweet de Sarandon sur Twitter.

Naissance de Brad Pitt

C'est par Thelma & Louise que des millions de femmes ont découvert Brad Pitt, qui allait devenir un sexe-symbole. Et c'est Thelma, la chanceuse, qui se le tape dans une scène très chaude. Bon, c'est un petit criminel qui s'enfuit avec l'argent, mais on lui pardonne quand il dit au pitoyable mari de Thelma, ouvertement cocufié: «J'adore ta femme.» 

Miroir, miroir

L'un des aspects les plus libérateurs du film est la lente transformation de Thelma et de Louise. Au début, elles sont chacune dans une cuisine (Thelma à la maison, Louise dans un restaurant). Elles sont très maquillées, font sans cesse des retouches devant le miroir. Et plus le voyage avance, plus elles laissent tomber les artifices qui les enferment dans le regard de l'homme, pour regarder vers l'horizon.

PHOTO FOURNIE PAR MGM

Brad Pitt et Geena Davis dans le film Thelma & Louise

Culture du viol

La véritable histoire de Thelma et Louise commence par un viol, quand un homme avec qui Thelma a accepté de danser l'agresse dans le stationnement d'un bar. Louise lui tire dessus, et on comprendra qu'elle-même a été victime de viol autrefois. «Il m'aurait violée, personne ne m'aurait cru, là, je me marre, je ne regrette pas qu'il ait été tué», dira Thelma, plus tard, renvoyant au fait que les femmes ne sont jamais crues dans ces crimes. Pendant tout le voyage, elles seront harcelées par un camionneur dégueulasse et elles finiront par faire exploser son véhicule - de forme phallique, bien sûr. 

Finale mythique

«Je suis éveillée. Je ne me suis jamais sentie aussi éveillée. Tout a l'air différent.» Ce sont les paroles de Thelma à Louise, et plus tard, elles choisiront ensemble la mort. Ridley Scott avait pensé à une autre fin, mais son film n'aurait pas eu le même retentissement sans cette finale où les deux femmes sautent dans le vide. Certains ont crié à un éloge du suicide, mais la plupart ont compris que Thelma et Louise ne pouvaient revenir en arrière après leur prise de conscience. Elles ne pouvaient qu'avancer. 

Quel héritage?

Le succès de Thelma & Louise aurait dû faire des petits, comme on dit. Or, en 2015, une étude de l'institut Sundance et de l'organisation Women in Film a révélé qu'entre 2002 et 2014, seulement 4,1 % des films aux États-Unis ont été réalisés par des femmes. Et c'est un recul. «Le ratio de personnages masculins et de personnages féminins est le même depuis 1946», a aussi noté Geena Davis dans un entretien au magazine Entertainment Weekly. «Je ne crois pas que cela a beaucoup changé, nous a confié Susan Sarandon. Il y a trop de femmes qui n'arrivent pas à faire des films.» Elle compte cependant sur la relève, particulièrement dans le rayon comique, en nommant les Amy Poehler, Amy Schumer ou Melissa McCarthy.

PHOTO FOURNIE PAR MGM

On a reproché à Thelma & Louise sa violence, puisque les deux femmes répondent par les armes aux multiples agressions qu'elles subissent.