Le réalisateur iranien en exil Mohsen Makhmalbaf, grand pourfendeur de la censure dans son pays natal qui a «souffert de la violence toute sa vie», veut «donner un message de tolérance» avec Le président, son dernier film, axé sur la dictature.

«Mon film est une sorte de fable. Je me suis inspiré du Printemps arabe, des mouvements politiques iraniens et de la Révolution qui a eu lieu il y a plus de trente ans en Iran. Mais j'ai résumé tout ça en une seule histoire», explique à l'AFP le cinéaste, 57 ans, installé à Londres et de passage à Paris pour la sortie de son film.



Le président, qui sort mercredi en France et en Suisse, se déroule dans un pays imaginaire, où un violent coup d'État met fin à la dictature. Recherché par tous, le dictateur s'enfuit avec son petit-fils de cinq ans. Déguisés en musiciens de rue, ils vont alors découvrir la souffrance et la haine du peuple.

«J'ai fait ce film pour donner un message de paix et de tolérance, parce que j'ai souffert de la violence de la révolution et de la guerre toute ma vie», déclare le réalisateur de Kandahar et Salaam cinema.

«Nous avons eu sept ans de guerre entre l'Iran et l'Irak, j'ai été quatre ans et demi en prison, j'ai été torturé quand j'avais 17 ans», poursuit l'artiste, contraint à l'exil et menacé de mort, qui affirme que le gouvernement iranien a essayé de le tuer au moins quatre fois.

«J'ai découvert que le problème, ce n'est pas seulement les dictateurs, mais aussi la culture, le système de la dictature, les révolutionnaires, dont la majorité est influencée par la culture de la violence», dit-il.

Né à Téhéran en 1957, Mohsen Makhmalbaf a participé activement aux manifestations contre le Shah d'Iran, ce qui a lui valu d'être arrêté et emprisonné, avant de se consacrer au cinéma après la révolution de 1979.

Mais, après de multiples tentatives pour déjouer la censure qui ont déplu aux autorités, il a dû quitter son pays en 2004 et s'exiler en Afghanistan, puis au Tadjikistan, à Paris et à Londres.

«Personne ne peut vous contrôler»

Après ces dix ans d'exil, «ma patrie est cette planète», estime celui qui a réalisé près de trente films depuis les années 80, et dont la femme et les deux filles sont également cinéastes.

Mais en même temps, «je suis Iranien, même si je fait des films en Géorgie, en Israël, en Afghanistan ou ailleurs», poursuit Mohsen Makhmalbaf, qui dit «espérer» retourner un jour dans son pays, et rester optimiste pour le cinéma iranien, malgré la censure.

«Il y a de l'espoir pour ce cinéma, plus que pour la dictature en Iran. Il y a un jour où nous n'aurons plus ce régime, mais nous aurons toute une histoire du cinéma iranien», affirme le réalisateur.

Le gouvernement «fait tout ce qu'il peut contre moi, mais ça ne marche plus», ajoute celui dont films et livres sont interdits en Iran, mais qui voit ses oeuvres malgré tout diffusées grâce au marché noir des DVD, aux chaînes de télévision satellitaires ou sur YouTube.

Pour lui, la censure en Iran «n'a déjà plus autant de pouvoir, grâce à internet». Aujourd'hui, «vous pouvez faire des films et les envoyer par mail. Vous pouvez faire des films avec votre téléphone portable, et personne ne peut vous contrôler», juge-t-il.

À l'image d'un Jafar Panahi, cinéaste dissident interdit de travailler dans son pays mais qui réussit à faire des films semi-clandestinement, récompensé cette année par l'Ours d'or à Berlin pour Taxi.

«Vous pouvez faire vos films secrètement», dit-il. Cependant, «c'est compliqué». «Grâce à son nom et sa célébrité, ils ne peuvent rien faire contre lui. Mais d'autres personnes sont sous pression et ne peuvent pas faire de films, et ils ne s'appellent pas Jafar. Beaucoup d'entre eux sont en prison, et personne ne le sait».