Devant la clôture de barbelés de l'ancien palais royal de Darulaman à Kaboul, une petite foule de jeunes se presse autour d'une étonnante célébrité locale: Abbas, le «Bruce Lee afghan», qui s'entraîne au milieu des ruines en rêvant d'Hollywood.

En débardeur blanc, pantalon noir et chaussons de kung-fu malgré les rigueurs de l'hiver afghan, le jeune homme fait quelques mouvements sous les yeux des gardes armés, qui le prennent en photo.

Puis, il manie ensuite le nunchaku devant les murs éventrés du vieux palais, symbole des ravages de 35 années de conflit en Afghanistan.

Lorsqu'il sort de l'enclos, tout souriant, ses lunettes de soleil sur le nez, les fans peuvent enfin le toucher, lui serrer la main, mais surtout faire des selfies avec lui sur leurs téléphones portables.

À 21 ans, Abbas Alizada rêve de devenir une star d'Hollywood. Sur les traces de Bruce Lee, le jeune afghan cultive sa ressemblance avec la légende des arts martiaux et s'entraîne depuis sept ans maintenant au kung-fu.

Avec ses 51 000 abonnés sur Twitter, et ses quelque 40 000 «J'aime» sur Facebook, il est devenu une petite célébrité à l'échelle afghane, sans même avoir tourné de film.

Il se fait appeler «Bruce Hazara», en hommage à sa communauté d'origine, les hazaras, une minorité aux traits asiatiques, ce qui accentue sa ressemblance avec la star de Hong Kong.

Habitué des médias locaux, le jeune homme savoure sa renommée. Et à la manière d'une star, il se fait attendre lors de ses rendez-vous. Mais il s'excuse ensuite dans un anglais approximatif, invoquant d'autres impératifs.

Puis il reçoit, à l'afghane, avec le thé, dans les bureaux de son frère à Kaboul, assis au chaud auprès d'un Sandali, chauffage traditionnel afghan placé sous une table basse avec une couverture pour abriter les jambes.

Ressemblance frappante

Cadet d'une famille de dix enfants, il est suivi de près par ses grands frères. L'un d'entre eux, Ahmad Zia, 25 ans, lui sert de manager, de coach et de secrétaire à la fois. «J'ai grand espoir que mon frère devienne un membre d'Hollywood», dit-il avec le sac de sport de son frère à la main.

Abbas «Bruce» Alizada rêve de travailler avec l'acteur chinois Jackie Chan, qu'il appelle «Mr. Jackie». Il évoque aussi ses autres idoles des films d'action, «Mr. Rambo» (Sylvester Stallone), Chuck Norris, ou encore Jean-Claude Van Damme.

«Je sais que je ne serai jamais Bruce Lee, mais je suis son exemple», dit-il.

Pour Mohammad Ali Mokhtar, 25 ans, un ingénieur civil qui travaille dans le quartier où vit le Bruce Lee afghan, «Abbas est un héros, c'est une superstar pour nous».

«Notre pays connaît des difficultés, comme la drogue, la sécurité, etc. Nous espérons qu'Abbas va redorer le blason du pays», ajoute M. Mokhtar. Outre la réputation de l'Afghanistan, le jeune ingénieur voit aussi en Abbas un porte-drapeau de la communauté hazara, un groupe ethnique chiite souvent mis au ban de la société et persécuté dans le passé par les sunnites.

«C'est important pour nous les Hazaras en particulier, car nous aimons vivre dans un environnement de paix», dit-il en évoquant ses espoirs pour Abbas.

Parmi les autres admirateurs, un étudiant en sciences politiques, Ramin, espère qu'Abbas pourra terminer le film inachevé de Bruce Lee en 1972 The Game of Death.

«J'ai vu Abbas Alizada à la télévision pour la première fois. Quand je l'ai vu, j'ai été frappé par sa ressemblance avec Bruce Lee. Et je suis heureux que nous ayons une telle personnalité en Afghanistan», a-t-il assuré.

Lorsqu'il ne s'entraîne pas à Darulaman, dans son gymnase ou son club d'arts martiaux, le sosie de Bruce Lee s'occupe de son père, paralysé du côté gauche. Le vieil homme alité encourage son fils cadet et souhaite qu'il devienne une star hollywoodienne.