Le réalisateur franco-polonais Roman Polanski a annoncé jeudi qu'il commencerait en juillet en Pologne le tournage de son prochain film, consacré à l'Affaire Dreyfus, en dépit d'une demande américaine d'extradition pour une affaire de moeurs datant de 1977.

«S'il y a extradition, j'aurais des problèmes, mais je ne pense pas que cela puisse arriver. Compte tenu de l'expérience suisse, je sais que cela ne devrait pas être possible. J'espère que tout se déroulera comme nous le prévoyons», a déclaré M. Polanski aux journalistes en Pologne.

«Je me suis soumis à la procédure d'extradition, mais je fais confiance à la justice polonaise», a-t-il ajouté avant de détailler son projet de tournage, préparé en collaboration avec le romancier et scénariste britannique Robert Harris, l'auteur du livre D. sur l'Affaire Dreyfus.

«Nous voulons commencer en juillet à Varsovie, dans deux studios différents: celui où j'avais tourné Le pianiste et dans un nouveau studio construit entretemps. Nous allons créer aussi d'importants décors en plein-air», a indiqué M. Polanski en polonais, sa langue maternelle.

«Tourner en France coûte en ce moment presque autant qu'aux États-Unis. Ça n'a plus de sens dans un pays où la semaine de travail est à 35 heures et où les charges sociales s'élèvent à 62%», a-t-il regretté, tout en évoquant aussi des contraintes de la circulation à Partis et l'aspect extérieur de la ville «qui a beaucoup changé».

«Il aurait fallu de toute manière monter des décors pour reconstituer un Paris semblable à celui de la fin du XIXe siècle. Cela n'aurait aucun sens en ce moment à Paris. Avant, il y avait des studios disposant de backlots, c'est-à- dire d'espaces où on pouvait construire des décors externes. Maintenant, tout a été vendu et remplacé par des galeries. Il n'y a plus de place pour tourner», a expliqué le réalisateur.

M. Polanski a refusé d'indiquer le budget exact de son film, tout en assurant qu'il était déjà bouclé.

Le réalisateur, âgé de 81 ans, avait été arrêté en Suisse en 2009 en vertu d'un mandat d'arrêt émis par les autorités américaines et contraint à vivre pendant un an en résidence surveillée. La justice suisse a finalement décidé de ne pas l'extrader aux États-Unis en 2010. Début janvier, les États-Unis avaient adressé à la Pologne une demande formelle d'extradition du cinéaste.

L'Affaire Dreyfus, sous la Troisième République en France, a profondément divisé la société française autour de l'accusation de trahison portée contre le capitaine Alfred Dreyfus, français d'origine alsacienne et de confession juive, et finalement innocenté.

Le film va insister sur le rôle du colonel Georges Picquart, chef des services secrets, qui a cru le premier à l'innocence du capitaine.

«Tout sera basé sur la vérité. Il n'y aura aucun personnage fictif, aucun évènement fictif», a assuré jeudi Polanski, auteur d'une quarantaine de films, dont Cul de sac (1966), Le Bal des vampires (1967), Rosemary's Baby (1968), Chinatown (1974), Le locataire (1976), Tess(1979) et Le pianiste (2002).

Un procureur polonais interroge Polanski sur l'extradition aux É.-U.

Roman Polanski a été soumis à un interrogatoire par un procureur, en Pologne, à propos de la requête d'extradition des États-Unis qui le soupçonnent de crimes sexuels sur une adolescente de 13 ans, en 1977.

Boguslawa Marcinkowska, porte-parole du ministère public polonais à Cracovie, a précisé jeudi que l'interrogatoire avait eu lieu mercredi. Le procureur rédigera un rapport à ce sujet et le soumettra à un tribunal polonais qui décidera si l'extradition aura lieu.

L'an dernier, la Pologne a refusé d'arrêter Roman Polanski, comme l'espéraient les États-Unis, mais a obligé le cinéaste de 81 ans à être disponible aux autorités. Il possède des passeports de la France et de la Pologne.

Roman Polanski est né en France d'un père polonais. Il est récipiendaire d'un Oscar du meilleur réalisateur, de deux prix Golden Globes et d'une Palme d'or au Festival de Cannes, notamment.

- The Associated Press