Le cinéaste Mathieu Roy est à préparer un documentaire qui saluera la mémoire et la vie professionnelle de son père, le journaliste Michel Roy, mais aussi et surtout les valeurs qu'il lui a léguées.

«L'intégrité, l'humanisme, la justice, ce sont des valeurs qui, à mon sens, sont en voie de disparition aujourd'hui. Je veux les faire resurgir. Je veux montrer que mon père a été un homme d'intégrité dans sa carrière en refusant le Sénat trois fois, en démissionnant dès qu'il y a eu un conflit où ses valeurs et son intégrité ont été remises en question [durant sa carrière, Michel Roy a démissionné de La Presse et du Devoir].»

Le projet, financé par la SODEC, a également pour but de faire une distinction claire avec le long métrage de fiction L'autre maison, que Mathieu Roy a lancé l'an dernier.

«Avec L'autre maison, les médias parlaient de l'histoire de mon père alors que c'était un hommage aux derniers moments d'un homme atteint de la maladie d'Alzheimer, dit le cinéaste. Évidemment, c'était inspiré de ce que j'ai vécu, mais ce n'était pas notre histoire familiale. J'ai ressenti à ce moment-là le besoin de faire le vrai documentaire biographique de mon père.»

«Quête archéologique»

Michel Roy a été journaliste, conseiller politique, diplomate et président du Conseil de presse. Il avait 48 ans et une importante partie de sa carrière de journaliste derrière lui lorsque son fils Mathieu est né. C'est pourquoi ce dernier entend traiter le sujet comme une «quête archéologique».

«Mon film sera celui d'un fils qui découvre une grande partie de la carrière de son père qu'il n'a pas eu la chance de vivre, dit Mathieu Roy. C'est aussi une histoire politique du Québec et du Canada des années 50 à aujourd'hui, et une histoire du journalisme.»

Michel Roy a d'abord été journaliste de l'écrit, mais il a participé à de nombreuses tables rondes et émissions télévisées. Le cinéaste a donc eu l'occasion de visionner une centaine d'heures d'entrevues de Michel Roy.

«C'était une période où les politiciens faisaient confiance aux journalistes et où il y avait un réel échange d'idées, estime le réalisateur. Ils se challengeaient et ce n'était pas la langue de bois. Il y avait une camaraderie, un respect, qui faisaient en sorte qu'on pouvait avoir des discussions de plus haut niveau. Ce n'était pas qu'un message politique préfabriqué qu'on essaie de faire passer.»

Mathieu Roy assurera lui-même la narration du documentaire, pour un caractère plus intimiste. Quant aux entrevues, elles seront limitées aux membres de sa famille: sa mère, sa soeur, Isabelle, qui est diplomate et son frère, Patrice, présentateur du Téléjournal à Radio-Canada.

Mathieu Roy constate par ailleurs qu'il devient de plus en plus difficile de faire financer un projet. «Avant les compressions récentes, Radio-Canada finançait ce genre de documentaire avec le Fonds des médias du Canada et les crédits d'impôt. Maintenant, on nous demande d'aller aussi à la SODEC et au Fonds Rogers. Cela repousse constamment la mise en production. Moi, je suis prêt à faire ce film depuis deux ans. Mais tout est devenu plus complexe», déplore-t-il.

Autres projets

Mathieu Roy a deux autres projets à court et moyen terme sur sa table de travail. D'abord, il souhaite tourner un documentaire sur la crise alimentaire mondiale, en coproduction avec la Suisse. «Ce que je veux y dire, c'est que la majorité des gens qui ont faim dans le monde sont les petits producteurs agricoles qui se font complètement écraser par les politiques néo-libérales et de libre-échange», résume-t-il.

Du côté de la fiction, il caresse le projet d'adapter au grand écran le roman Scellé plombé, de Maxime-Olivier Moutier. Produit par Max Films, le film mettra en vedette Monia Chokri et Emmanuel Schwartz. Maxime-Olivier Moutier y aurait également un petit rôle de psychanalyste, ce qu'il est dans la vie.

«L'histoire est une fable sur le mythe du couple et de la vie moderne, dit Mathieu Roy. C'est une écriture fraîche, sans compromis, où l'on cherche à déboulonner ce mythe du couple et de la routine qu'on nous vend dans le monde occidental.»

Autres documentaires

Outre le film sur Michel Roy, la SODEC a également annoncé ces dernières semaines le financement de plusieurs autres projets de documentaires.

Parmi les oeuvres retenues, citons En attendant maman, film de Léa Pool sur des enfants de six pays dont les mères sont en prison; Femmes de casernes, de Louise Leroux, sur la vie de pompier au féminin; Un film avec toi, de Jean-Daniel Lafond, un portrait de sa femme, Michaëlle Jean, alors qu'elle était gouverneure générale du Canada; et enfin Ziva Postec, de Catherine Hébert, sur la monteuse du célèbre film Shoah, de Claude Lanzmann.