La sortie du film The Interview aux États-Unis et au Canada, prévue le jour de Noël, a été reportée en raison des menaces de représailles qui pèsent contre les cinémas qui présenteront l'oeuvre distribuée par Sony Pictures.

The Interview est une comédie dans laquelle Seth Rogen et James Franco interprètent des journalistes de la télévision embauchés par les services secrets américains (CIA) pour assassiner le leader de Corée du Nord, Kim Jong-un. La première mondiale du film a eu lieu la semaine dernière à Los Angeles.

L'été dernier, la Corée du Nord avait déclaré que la diffusion du film représenterait «un acte belliqueux qui ne serait jamais toléré», et que les États-Unis feraient face à des représailles «sans merci».

Mardi, un groupe obscur, les «Gardiens de la paix», a menacé directement les cinéphiles désirant aller voir le film. Faisant référence aux attentats du 11 septembre, le message suggérait aussi aux citoyens habitant près des cinémas où seront présentés le film de quitter leur domicile.

Le département américain de la Sécurité intérieure a indiqué qu'il n'y avait «aucun renseignement crédible permettant de croire qu'il y aurait un complot ourdi contre les salles de cinéma», mais il a ajouté qu'il analysait toujours les messages du groupe. Les menaces ont tout de même poussé les autorités de New York et de Los Angeles à accroître les mesures de sécurité. Ces craintes ont même mené le distributeur Sony à permettre aux chaînes de cinéma d'annuler les représentations de la comédie.

Au Canada, la grande chaîne de cinémas Cineplex a aussi indiqué qu'elle reportait la diffusion du film. L'entreprise «prend très au sérieux son engagement envers la liberté artistique, mais veut d'abord assurer sa clientèle et son personnel que la sécurité demeure sa première priorité», a-t-on indiqué. Cineplex occupe près de 80 pour cent du marché au Canada, avec ses 161 cinémas.

«Nous attendons avec impatience que cette affaire soit résolue et que les responsables soient appréhendés», a expliqué mercredi dans un communiqué la vice-présidente aux communications et aux relations avec les investisseurs, Pat Marshall.

Aux États-Unis, la chaîne Carmike, quatrième en importance avec 247 cinémas, a été la première, mercredi, à annuler les représentations du film, selon The Hollywood Reporter. Les concurrents Regal, AMC et Cinemark lui ont rapidement emboîté le pas.

L'analyste de la firme B. Riley, Eric Wold, estime que la perte de revenus liée aux annulations pourrait priver par exemple la chaîne Carmike de 1,5 à 1,9 pour cent de ses revenus au quatrième trimestre, ce qui n'est pas énorme. Toutefois, si un incident malheureux devait survenir lors d'une représentation, ces pertes augmenteraient considérablement, a-t-il soutenu.

Vol de renseignements

Les Gardiens de la paix avaient déjà diffusé des séries de fichiers - incluant 32 000 échanges de courriels du PDG de Sony Entertainment, Michael Lynton -, dans ce qu'ils ont qualifié de début de «cadeau de Noël». Après ces fuites, deux anciens employés de Sony ont intenté des poursuites alléguant que la compagnie avait trop tardé à prévenir ses 50 000 employés qu'on avait volé des renseignements personnels - comme leur numéro d'assurance sociale, leur salaire et leur dossier médical.

Une autre poursuite, déposée cette semaine, accuse Sony d'avoir été négligente en ne renforçant pas ses mesures de sécurité informatique avant l'attaque. Les requérants allèguent que des courriels et autres informations qui ont coulé démontrent que la compagnie savait que son système de sécurité était vulnérable aux attaques, mais qu'elle n'avait pas agi en conséquence.

Sony pourrait devoir débourser des millions de dollars en dommages si une action collective était intentée, selon Jonathan Handel, professeur de droit du divertissement à l'université Southern California.

Plusieurs ont lié le piratage chez Sony à la Corée du Nord, qui avait déjà dénoncé le film The Interview.