Les temps changent, mais le goût de l'horreur reste! On en a pour preuve tous ces petits monstres, momies, mini Frankenstein, fantômes et autres sépulcres blanchis qui sonneront à nos portes ce soir. Pendant ce temps, dans le terrifiant monde des adultes, on continue de consommer l'horreur en format cinématographique. Quatre adeptes se confient.

NORMAND BRATHWAITE

Ses suggestions

> Carrie de Brian de Palma

> The Bride of Frankenstein de James Whale

> The Conjuring de James Wan: «Je tiens à dire que c'est un film extrêmement épeurant que je n'aime pas. Il est malsain, insidieux, mais très bien fait.»

L'animateur Normand Brathwaite lance à la blague qu'il aurait dû appeler la DPJ le jour où sa mère lui a fait écouter Psycho d'Alfred Hitchcock. «Ce soir-là, je n'ai pas pris ma douche», dit-il en éclatant de rire.

Plus sérieusement, sa mère, une encyclopédie en matière de cinéma, lui a inculqué le goût du cinéma d'horreur. Son plus lointain souvenir remonte au jour où elle lui a fait écouter Duel de Steven Spielberg. «Ça ne m'avait pas fait peur, mais c'est un film qui m'avait fasciné.»

Aujourd'hui, Normand Brathwaite possède une énorme vidéothèque de films d'horreur et en consomme pratiquement chaque jour. «Je ne compte plus combien j'en ai, dit-il. Je crois toutefois que mon ami Alain Lefèvre (le pianiste) en possède plus que moi. Il collectionne tout!»

Le bum de Belle et Bum a une réflexion fascinante sur ce cinéma qui, assure-t-il, nous fait du bien.

«Normalement, lorsque tu sors d'un film d'horreur, tu es censé te sentir bien parce que tu te sens normal, dit-il. Tu es allé voir la bête qui, d'ordinaire, meurt. C'est un exutoire important. Auparavant, on avait peur de la nature, de se faire manger par les bêtes. Le film d'horreur a remplacé ce sentiment. L'auteur H.P. Lovecraft disait qu'à ses yeux, la peur était le premier sentiment ayant existé dans l'histoire. Avant de tomber en amour avec une fille, on avait peur du gros tigre avec les grosses dents.»

M. Brathwaite aime beaucoup l'horreur psychologique, la tension. Mais il apprécie également des trucs avec des «bibites» tels Aliens ou Prometheus. «Je n'ai rien contre les effets spéciaux, mais ça doit être bien fait et intelligent. Il faut que ça reste épeurant», dit-il.

PATRICK SENÉCAL

Ses suggestions

> The Exorcist de William Friedkin

> The Shining de Stanley Kubrick

> The Others d'Alejandro Amenábar

L'auteur et scénariste Patrick Senécal peut remercier la bibliothécaire de sa ville d'enfance, Drummondville, qui l'a laissé un jour emprunter sans dire un mot un recueil de nouvelles de l'écrivain belge Jean Ray puisé dans la section des adultes.

«J'avais autour de 11 ans, j'adorais lire, mais les livres pour jeunes m'ennuyaient. Je lisais des Bob Morane, mais n'accrochais pas à ce type d'aventures. En empruntant ce livre de Jean Ray, j'ai découvert qu'on peut avoir peur en lisant», dit le prolifique auteur.

D'autres lectures ont suivi. En parallèle, Senécal a commencé à écrire ses propres histoires, vers 13-14 ans, davantage pour s'amuser que dans la perspective de devenir écrivain, ce qui s'est imposé alors qu'il devenait jeune adulte.»

«Les premiers germes de 5150, rue des Ormes [son premier roman] me sont venus vers 18 ans. Mais c'est à ce moment-là que Stephen King a publié Misery. Je trouvais que nos histoires étaient trop semblables et ça m'a déprimé. Ce sont mes amis qui m'ont encouragé à continuer en me disant que des histoires peuvent avoir des parentés tout en conservant leur originalité», dit-il.

Patrick Senécal était alors étudiant en littérature à l'Université de Montréal. Il a écrit tout le plan de 5150 aux tables du Café Campus où Bruno, un de ses amis travaillant comme serveur, le fournissait en bières et assiettes de chili sans le faire payer.

Aujourd'hui, en jetant un regard sur son travail, Senécal estime que l'horreur est davantage un moyen qu'une fin. «Je m'intéresse à l'équilibre entre la rationnel et l'irrationnel, dit-il. J'explore ce côté sombre de l'humain qui peut parfois arriver à prendre le dessus.»

Ayant travaillé aux scénarios des trois films tirés de ses romans (5150, rue des Ormes, Sur le seuil, Les 7 jours du talion), M. Senécal qualifie «d'à peu près inexistante» la présence du film d'horreur québécois.

«Pour Les 7 jours du talion, nous n'avons pas eu de subventions à la production. Et pourtant, ce film est allé à Sundance, rappelle-t-il. Nos institutions [SODEC, Téléfilm] sont frileuses. Au Québec, on est trop consensuels, on a peur de créer des polémiques. C'est la même chose en télévision. À quand une série québécoise à la Breaking Bad? Il faut plus d'audace.»

Photothèque Le Soleil

Patrick Senécal

IZABEL GRONDIN

Ses suggestions

> Jaws de Steven Spielberg

> Amityville 2 de Damiano Damiani

> Evil Dead de Sam Raimi

Lorsqu'elle était petite et écoutait La Belle au bois dormant, Izabel Grondin était bien davantage fascinée par Maléfice que par la Belle! «Pour moi, elle était plus intéressante et complexe que la Belle, dit-elle. J'avais aussi un intérêt marqué pour les ambiances magiques et hantées.»

En 18 ans de carrière, cette réalisatrice prolifique a signé 16 courts métrages aux noms évocateurs: Bloody Mary, Piège à rats, Sang remords et autres Aspiralux. Elle s'attaque maintenant au scénario d'un premier long métrage, une adaptation du roman Le Quartier des oubliés de Madeleine Robitaille.

À 9 ans, elle voit son premier film de Dracula avec Christopher Lee. «Je crois que c'était Dracula A.D. 1972. Ç'a été mon premier grand coup de coeur, mais aussi coup de foudre car je le trouvais très beau, lance-t-elle. Ce genre de films est donc devenu très rapidement une grande passion. Lorsque je voyais qu'un film avec Christopher Lee dans un rôle de vampire allait jouer, c'était une grande fête pour moi. C'était plus beau que n'importe quel cadeau.»

Reconnue par ses pairs pour la qualité de son travail, Mme Grondin estime toutefois que le cinéma d'horreur est dans une phase boiteuse. «En termes de création, en Amérique et un peu en Europe, la situation est lamentable. On est noyé par des remakes. Les idées originales sont devenues des cas isolés», déplore-t-elle.

Et au Québec, c'est encore pire! «Je ne sais pas pourquoi persiste encore ce snobisme envers les films d'horreur, fantastiques ou même de science-fiction, dit-elle. Ces genres sont boudés et les gens ont peur de prendre des risques. Alors qu'à mon avis, il y a plus de risques à sortir un 90e drame social sur le même sujet que de sortir un film avec une saveur et une couleur différente.»

Photo: Bernard Brault, La Presse

Izabel Grondin

GABRIEL PELLETIER

Ses suggestions

> Dracula de Francis Ford Coppola

> The Hills Have Eyes de Wes Craven

> 5150, rue des Ormes d'Éric Tessier

On le connaît bien sûr pour Karmina et Karmina 2, parodies des films de vampires. Mais il cultive aussi un intérêt certain pour les films d'horreur et fantastique. D'ailleurs, Gabriel Pelletier planche actuellement sur l'écriture d'un nouvel opus.

«Le scénario d'un film d'horreur intitulé Cabane à sucre, dit-il. Ça parle d'une famille de tueurs sanguinaires qui exploitent une cabane à sucre où l'on fabrique de la bagosse [alcool frelaté]. Un jour, des jeunes punks débarquent à la cabane et... ils vont y passer! Dans le film, c'est la famille traditionnelle et soi-disant la plus rassurante qui est la plus épeurante.»

Mais revenons un instant à Karmina pour lequel M. Pelletier s'est inspiré d'oeuvres comme Dracula de Francis Ford Coppola et Nosferatu de Murnau.

«J'aime les films de vampires parce qu'il y a un aspect érotique et religieux là-dedans, dit-il. Dans notre éducation religieuse, le vampire est l'équivalent du diable. La morsure du vampire est l'acte sexuel. Karmina est une inversion de ça. Dans un film traditionnel de vampires, la jeune fille découvre la sexualité et en meurt, alors que Karmina était un vampire découvrant l'innocence.»

Actuel président de l'Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ), M. Pelletier est optimiste face à l'avenir du cinéma d'horreur au Québec.

«Je pense qu'il y a un mouvement pour en faire, dit-il. Je crois qu'il y a aussi une sympathie des institutions pour encourager ce genre de films avec des budgets pas trop élevés. C'est la culture Fantasia qui a maintenant droit de cité. Le film d'horreur gagne ses lettres de noblesse. Il y a une popularité pour ça, notamment chez les jeunes.»

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Gabriel Pelletier