«Écoeuré», Dominique Strauss-Kahn a annoncé lundi qu'il allait attaquer en diffamation le film sulfureux d'Abel Ferrara Welcome to New York, alors que les producteurs de ce long-métrage revendiquaient le «succès» de son démarrage directement en vidéo à la demande.

La maison de production et de distribution Wild Bunch a annoncé à l'AFP avoir recensé 48 000 ventes de Welcome to New York, film librement inspiré de l'affaire DSK, pour son premier jour de sortie sur les plateformes de VàD.

Avec «48 000 clics, cela équivaut à quelque 90 000 personnes le regardant, un chiffre énorme», s'est félicité Wild Bunch, parlant de «succès».

Welcome to New York, dont le réalisateur s'est défendu de tout antisémitisme, a été projeté samedi en première mondiale, en marge du Festival de Cannes, dans une salle de quartier.

Il s'agit d'une «version fictionnalisée», mais l'histoire colle au plus près du scandale qui a fait chuter il y a trois ans Dominique Strauss-Kahn, alors patron du FMI et favori des sondages pour la présidentielle française de 2012.

Sauf que dans Welcome to New York, il y a bien agression sexuelle d'une femme de chambre dans le grand hôtel new-yorkais où le héros Devereaux (Gérard Depardieu) est descendu.

Or Dominique Strauss-Kahn a «été mis hors de cause de la manière la plus nette par le procureur de New York» dans l'affaire du Sofitel et, «comme tout le monde, il a le droit à l'oubli», a déclaré son avocat, Me Jean Veil, sur Europe 1.

«Écoeuré et effrayé par ce film», l'ancien ministre «a demandé à ses avocats de déposer une plainte pour diffamation du fait des accusations de viol», a ajouté l'avocat. Cette plainte devrait être déposée «dans les prochains jours».

«Crotte de chien»

«Ses proches et ses avocats, a ajouté Me Veil, lui ont recommandé de ne pas voir ce film abominable», que l'avocat a qualifié de «merde» et de «crotte de chien».

L'affaire sera portée au pénal, a précisé Me Veil à l'AFP. Elle ne sera donc pas jugée avant au moins un an. Il n'y aura pas d'action en urgence pour bloquer la diffusion du film car Dominique Strauss-Kahn «n'est pas un censeur».

«On peut se demander par ailleurs, a dit Me Veil, si les juges américains ont été informés de ce que les dialogues susurrent que la décision de mise hors de cause de M. Strauss-Kahn résulterait de ce qu'ils auraient été achetés.»

Son ex-femme, Anne Sinclair, avait exprimé dès dimanche son «dégoût», tout en dénonçant des attaques «clairement antisémites». Pour autant, elle a assuré qu'elle n'irait pas en justice, car elle «vomit» la «saleté».

La journaliste a mis en cause la description de Simone Devereaux (Jacqueline Bisset), présentée comme une femme d'argent et de pouvoir, qui aide financièrement l'État d'Israël et, surtout, qui a hérité d'une fortune amassée pendant la guerre.

Des allusions à sa famille «proprement dégradantes et diffamatoires», selon Anne Sinclair: «Mon grand-père (le galeriste Paul Rosenberg) a dû fuir les nazis et a été déchu de sa nationalité française par le gouvernement de Vichy. Mon père a rejoint la France Libre et a combattu jusqu'à la Libération. Dire autre chose relève de la calomnie.»

Selon Me Veil, le film d'Abel Ferrara comporte «une part d'antisémitisme», mais seules les associations de lutte contre le racisme peuvent engager des poursuites à ce titre.

Interrogés par l'AFP, la Ligue contre le racisme et l'antisémitisme (Licra) et SOS Racisme n'ont pas souhaité se prononcer sur ces accusations pour l'instant, précisant ne pas avoir vu le film. «Si des choses sont évidentes, on ira en justice», a dit le président de la Licra, Alain Jakubowicz.

De son côté, Abel Ferrara s'est défendu avec vigueur: «Je ne suis pas antisémite. J'espère que non. J'ai été élevé par des femmes juives.»

Une affirmation partagée par Jacqueline Bisset: «Pour moi, il n'y a pas d'attaques antisémites, mais des propos contre sa famille que je trouve déplacés.»