Les frères Coen ne s'en cachent pas: le héros d'Inside Llewyn Davis a en partie été inspiré par le chanteur Dave Van Ronk, figure éminente de la scène folk de Greenwich Village au début des années 60. Mais le regretté Van Ronk (1941-2002) n'a pas été la seule source d'inspiration pour le film. D'autres fantômes plus ou moins oubliés de l'époque ont aussi nourri les personnages d'Inside Llewyn Davis. Allons voir qui est qui....

Jim

Sans domicile fixe, Llewyn Davis squatte régulièrement chez Jim (Justin Timberlake) et Jean (Carey Mulligan), couple d'amis chanteurs. Ce couple a vraiment existé. Il s'agissait de Jim Glover et Jean Ray. Ils ont pondu trois albums à la fin des années 60 sous le nom de Jim & Jean, avant de se séparer. Disparu en 2007, Jean aurait inspiré la chanson Cowgirl in the Sand de Neil Young.

... ou Peter Paul

Il est aussi possible que les Jim & Jean du film aient été inspirés par Richard & Mimi Farina ou encore Ian & Sylvia, deux couples de folkeux qui ont connu un petit succès à l'époque. Dans Inside Llewyn Davis, le couple s'associe par ailleurs à un troisième larron (Stark Sands) le temps d'interpréter la chanson Five Hundred Miles. Ce trio renvoie vraisemblablement à Peter Paul & Mary, qui ont connu du succès avec cette chanson en 1962. Mary Travers est morte en 2009, à 72 ans.

Troy Nelson/Tom Paxton

Jeune militaire propret méprisé par Llewyn Davis, Troy Nelson (Stark Sands) profite de ses permissions pour aller chanter dans les cafés enfumés de Greenwich Village. Ce personnage est clairement inspiré de Tom Paxton qui, comme Troy Nelson, a été un réserviste de l'armée américaine, cantonné à Fort Dix. Dans le film, Nelson interprète Last Thing on My Mind, morceau phare de Tom Paxton.

Roland Turner/Doc Pomus

Bluesman blanc handicapé, avec qui Llewyn Davis fait le trajet en voiture de New York à Chicago, Roland Turner (John Goodman) n'est pas sans rappeler un certain Doc Pomus. Victime de la poliomyélite, Pomus a connu une bonne carrière de chanteur, mais surtout de parolier, signant notamment plusieurs chansons pour Elvis, comme Little Sister et Viva Las Vegas. Il est mort en 1991. Le personnage de Turner, qui prétend avoir étudié le magie noire, pourrait aussi avoir été inspiré par le chanteur Dr. John, grand amateur de gris-gris et de vaudou.

Al Cody/Ramblin' Jack Elliott

Dans une des scènes les plus drôles du film, Llewyn enregistre une chanson complètement idiote (Please Mr. Kennedy) avec son ami Jim (Timberlake) et l'intrigant Al Cody (Adam Driver). Ce cowboy urbain est en partie calqué sur Ramblin' Jack Elliott, émule de Woody Guthrie, qui aurait influencé Dylan au début de sa carrière. La chanson Please Mr. Kennedy existe vraiment, par ailleurs. Elle a été gravée par le chanteur soul Mickey Wood en 1962. Contrairement à la version du film, qui fait référence à l'espace, le titre original parlait en fait de la conscription pour la guerre du Viêtnam.

Groupe folk irlandais/The Clancy Brothers

Llewyn Davis aimerait bien posséder un des beaux chandails de laine blancs de ces frères. Propre comme une pub de javellisant, ce quatuor vocal est directement copié des Clancy Brothers, un quartette folk irlandais qui a connu sa part de succès sur la scène folk de l'époque.

Bud Grossman/Albert Grossman

Comme pour Jim & Jean, les frères Coen n'ont même pas pris la peine ici de changer son nom. Bud Grossman (F. Murray Abraham) est en réalité Albert Grossman, un producteur de spectacles de Chicago qui fera fortune en devenant l'impresario de Bob Dylan. C'est lui qui a proposé à Dave Van Ronk de faire partie du trio Peter Paul & Mary. Une offre que le chanteur refusera (non sans quelques regrets par la suite), à l'instar de Llewyn Davis dans le film.

Mel Novikoff/Moses Asch

Lorsque Llewyn Davis vient réclamer ses redevances à sa maison de disques, le patron du label, Mel Novikoff (Jerry Grayson), pris de pitié, lui offre plutôt son manteau d'hiver... Cette scène est vraiment arrivée à Dave Van Ronk, avec le propriétaire des disques Folkways Moses Asch, un monsieur qui avait une réputation de grippe-sou, même si son importance dans l'histoire de la musique folk est indéniable.

Chanteur inconnu/Bob Dylan

Il apparaît à la toute fin du film, en clair-obscur sur la scène du Gaslight Café. On ne sait pas encore qui il est, mais on devine que sa performance, donnée devant un critique du New York Times, changera pour toujours la face de Greenwich Village. Ce petit chanteur à la voix nasillarde est évidemment Bob Dylan...

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Crédit à Jean-Marie Pottier (Slate.fr) pour l'inspiration.