Le cinéaste iranien Asghar Farhadi, très populaire grâce aux films Une séparation et Le passé, se déclare «optimiste» sur le nouveau régime de Téhéran, estimant cependant qu'il faut encore «attendre» pour juger sur pièces les actions du président Hassan Rohani.

Le réalisateur de 41 ans, Oscar du meilleur film étranger en 2012 avec Une séparation, a retrouvé Los Angeles cet automne pour présenter son dernier film, Le passé, qui a valu le prix d'interprétation féminine à Bérénice Bejo au dernier Festival de Cannes.

Présenté en novembre à l'AFI Fest à Hollywood, Le passé sort vendredi en Amérique du Nord et a été choisi pour représenter l'Iran aux prochains Oscars.

Les conservateurs iraniens s'étaient émus de cette décision, relevant que le film est «une histoire française», tournée près de Paris avec des acteurs majoritairement français et un financement hexagonal.

«Contrairement à Une séparation, il n'y a rien d'iranien dans ce film à part un personnage qui aurait pu venir de n'importe quel autre pays», écrivait l'agence Fars, proche des conservateurs.

Drame familial - genre de prédilection du cinéaste -, Le passé raconte le retour difficile en France d'un Iranien (Ali Mosaffa), venu finaliser son divorce d'avec l'ex-femme de sa vie (Bérénice Bejo).

Dans un entretien à l'AFP à Beverly Hills, Asghar Farhadi se déclare «optimiste» sur le président iranien Hassan Rohani, élu en juin dernier après huit ans de pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad.

«Je ne pense pas qu'ils vont opérer des changements majeurs mais ils sont capables d'éliminer certains des dégâts qui ont été faits dans le passé», estime M. Farhadi, qui s'exprimait avant l'accord conclu fin novembre entre les grandes puissances et l'Iran sur le programme nucléaire de Téhéran.

«Cela ne fait que quelques mois qu'ils sont au pouvoir et ils doivent régler un grand nombre de problèmes légués par le précédent régime. Il faut attendre un peu pour voir ce qu'ils feront», ajoute le cinéaste.

Après avoir filmé Le passé en France, et auréolé de son Oscar, Asghar Farhadi considère qu'il pourrait aujourd'hui tourner ses films là où il veut. «Les propositions que je reçois maintenant viennent de beaucoup d'endroits», dit-il.

Pour lui, le choix d'un lieu reste avant tout dicté par l'histoire: «Si je me réveille demain avec une histoire qui doit être tournée en Iran, j'irai travailler là-bas. Si je sens que c'est en France, alors je travaillerai en France. Et si c'était ici aux États-Unis, alors je tournerais ici».

«Mais j'ai de bons souvenirs de mon séjour en France et je suis sûr que je travaillerai au moins encore une fois à Paris. Et je suis tout aussi certain que la plus grande partie de mon oeuvre sera tournée en Iran», précise-t-il.

Grand habitué des trophées et des festivals, le cinéaste tient néanmoins à garder la tête froide et se méfie des mirages du circuit festivalier.

«Les festivals et les prix servent les oeuvres beaucoup plus qu'ils ne servent les cinéastes. Pour un film, c'est formidable car cela lui offre un public beaucoup plus vaste. Mais cela peut être dangereux pour un cinéaste», dit-il. «Si l'on croit que le but, l'objectif final est d'avoir un prix ou une récompense, alors on fait fausse route».

De plus, «les festivals ont tendance à lisser les goûts des cinéastes. C'est la raison pour laquelle les films, aujourd'hui, se ressemblent beaucoup. Car les festivals ont une seule définition de ce qu'est un bon film et tout le monde veut s'en approcher», observe-t-il.

Asghar Farhadi se donne jusqu'à la fin de l'année pour choisir son nouveau projet parmi les histoires qu'il a «sur le feu». Mais une chose est sûre: ce sera une nouvelle variation sur les relations de couple.

«C'est vraiment ce qui m'intéresse», dit-il. «Je sens que tous mes films, mis les uns à côté des autres, témoignent d'une expérience en cours, qui n'a pas encore trouvé son achèvement».