Le plus célèbre cinéma de Berlin, le Zoo Palast, rouvre fin novembre après trois ans de rénovation, misant sur le haut de gamme pour renouer avec les fastes du passé.

«Nous avons gardé tout ce qu'on pouvait (du bâtiment historique) afin de conserver les traditions et l'âme du Zoo Palast», a expliqué Hans-Joachim Flebbe, l'exploitant de salle de cinéma qui a investi 5,5 millions d'euros dans la rénovation du lieu plusieurs fois sauvé de la démolition.

«On ne peut pas imaginer Berlin sans le Zoo Palast», renchérissait Jürgen Büllesbach, directeur de Bayerische Hausbau, propriétaire des murs, lors d'une conférence de presse jeudi.

C'est non loin des «Champs-Élysées berlinois», le Kurfürstendamm, et tout près du parc animalier à qui il doit son nom que les studios UFA, producteurs des principaux films muets allemands de l'Entre-deux guerres, construisirent en 1919 le UFA Palast am Zoo.

Le public put y découvrir des chefs d'oeuvres comme ceux de Fritz Lang, Metropolis en 1927 ou M le Maudit en 1931.

La salle fut détruite dans un bombardement allié en novembre 1943, et en 1955 ses décombres furent rasés pour laisser place au Zoo Palast à l'architecture angulaire, audacieuse pour l'époque.

Dans le Berlin-Ouest enclavé de la Guerre froide, la salle va connaître son âge d'or, devenant le vaisseau amiral du festival cinématographique de Berlin, la Berlinale.

Des stars mondiales défilent sur son tapis rouge: Erol Flynn, James Stewart, Romy Schneider, Sofia Loren ou Robert de Niro.

Mais en 1999, le festival de Berlin réunifiée se recentre sur la Potsdamer Platz et ses multiplexes, entraînant un lent déclin du Zoo Palast, jusqu'à sa fermeture pour travaux fin 2010.

Entre en scène Hans-Joachim Flebbe, 62 ans dont 40 dans le milieu des salles obscures.

En 1977, il achète son premier cinéma indépendant et se développe jusqu'à fonder en 1989 Cinemaxx, une chaîne de multiplexes. Il règne alors sur près de 400 écrans, devenant la bête noire des indépendants.

En 2008, il est débarqué par les actionnaires du groupe, sur fond de crise liée à l'essor du DVD et du piratage.

Il opère un virage stratégique pour se concentrer sur des salles haut-de-gamme, aux antipodes des usines à grosses productions américaines dont il était le héraut.

Il souhaite aujourd'hui que «les gens se sentent comme à la maison» au Zoo Palast.

«Notre but n'est pas de reprendre le public des multiplexes. C'est de réconcilier avec le cinéma ceux qui n'y venaient plus, parce que c'était trop bruyant, trop stressant».

«Des ouvreurs placeront les spectateurs et veilleront à ce que les téléphones portables soient éteints», poursuit-il, ajoutant avoir banni les snacks trop odorants ou trop bruyants. Mais il y aura toujours du pop-corn, rassure-t-il.

Tout est fait pour le bien-être du spectateur: vestiaire, larges sièges en cuir, avec suffisamment d'espace pour pouvoir s'allonger comme dans un transat, rafraîchissements commandés depuis son siège...

L'esprit originel - chic et glamour - est respecté, jusque dans la musique d'ambiance, jazzy tendance big band. La façade et deux des salles étant classées, modernité et classicisme se côtoient harmonieusement.

«Nous avons conservé les boiseries du cinéma d'origine, celles de 1957. (...) Nous avons également laissée intacte l'entrée en terrasse et gardé certaines portes d'entrée», explique l'architecte responsable de la rénovation, Anna Maske.

Tout cela se reflète dans les prix: de 6,50 à 13,50 euros pour un film hors-3D, un tarif élevé pour Berlin. Par ailleurs, aucune projection en VO n'est prévue pour le moment - décision surprenante pour un cinéma situé dans une zone très touristique d'une ville aussi cosmopolite.

Au total, les sept salles, toutes équipées de ce qui se fait de mieux en son et image, pourront accueillir 1650 personnes à partir du 28 novembre.