Dernier film de Spike Jonze, Her, présenté cette semaine en compétition officielle au Festival de Rome, est une histoire d'amour postmoderne, où un homme et une voix sortie de son ordinateur tombent amoureux, jusqu'à ce que la technologie montre ses limites.

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Un homme, en instance de divorce et lassé de sa solitude, s'achète un système d'exploitation révolutionnaire, lui promettant de créer la compagne virtuelle idéale, adaptée à sa personnalité, ses besoins, ses désirs.

C'est Joaquin Phoenix (Gladiator, The Yards, Walk the Line), acteur fétiche de James Gray - président du jury de cette 8e édition du festival -, qui l'incarne. Pantalon de tweed et veste en velours, moustachu, il évolue dans un Los Angeles très esthétique.

Face à lui, dans le rôle de la petite amie sans enveloppe corporelle - un paradoxe pour celle qui truste les premières places des classements de «femme la plus sexy du monde» -: Scarlett Johansson (Lost in Translation, Match Point). Qui ne serait ravi que la voix chaude et sensuelle de l'actrice américaine, connue également pour avoir enregistré deux albums, le réveille, lui souhaite bonne nuit ou l'informe de l'arrivée de nouveaux courriels?

Dans un «futur très proche», dans un monde où la reconnaissance vocale est monnaie courante et où chacun avance sans quitter son oreillette le reliant à son monde virtuel, l'amour naît entre deux êtres que la technologie rapproche mais sépare en même temps.

Theodore, dont le métier consiste à écrire des lettres d'amour à la place d'inconnus qui ne trouvent pas leurs mots, et Samantha, qui s'avère parfaite - spirituelle, à l'écoute, douce - apprennent à se connaître. Après quelques heures «d'utilisation», ils se séduisent, toujours par oreillette interposée, et passé un temps d'adaptation, finissent par agir comme un vrai couple, partant même en vacances «ensemble».

Une situation qui est en revanche arrivée très tard, en postproduction, pour les deux acteurs qui, tout le temps du tournage, n'ont jamais «joué» ensemble, a expliqué Joaquin Phoenix en conférence de presse à Rome.

Après quelque temps, l'OS «jouée» par Scarlett Johansson étant programmée pour évoluer, elle se met à éprouver des sentiments très humains et les choses se compliquent. De là à dire que le futur de l'amour passe par l'absence de corps, qu'il ne peut être qu'intellectuel pour durer, il n'y a qu'un pas que Spike Jonze ne franchit pas. Ses «questions sont restées sans réponse après le film».

«La technologie n'est peut-être pas le meilleur moyen pour exprimer ses sentiments mais s'il est le seul, alors c'est mieux que rien», a-t-il souligné à Rome, confiant ne pas «juger» ce type de relation mi-réelle, mi-virtuelle.

Le réalisateur, à qui l'on doit Being John Malkovich, un autre film mêlant technologie et rapports humains, mais connu aussi pour ses clips vidéo et la série culte Jackass, est un habitué des concepts un peu tordus.

Mais Her, dont il a écrit le scénario, est avant tout une histoire d'amour, a-t-il insisté. «Chaque plan se base sur leur réalité de couple (...) On veut tous être aimé pour nous-mêmes mais en même temps, on en a peur. Et pourtant, quand on tombe amoureux, c'est à chaque fois ce risque-là que l'on prend».