À 86 ans, le réalisateur indépendant américain Jerry Schatzberg, a toujours des projets plein la tête, au cinéma comme en photo, notamment une collaboration avec l'acteur français Guillaume Canet.

Venu présenter au Festival Lumière de Lyon la version restaurée de son film L'ami retrouvé, le cinéaste-photographe-scénariste s'excuse presque de ne pas avoir tourné depuis une dizaine d'années. Mais «il fallait que je trie mes archives photo», dit-il dans un entretien à l'AFP.

L'oeuvre est telle que cela a pris huit à neuf ans, mais aujourd'hui «je peux me recentrer sur le cinéma».

Le réalisateur travaille sur un projet de scénario avec l'acteur français Guillaume Canet qu'il avait déjà fait tourner dans The Day the Ponies Come Back (2000), son dernier opus.

À partir du 7 novembre et jusqu'au 14 décembre à Paris, Schatzberg est l'invité d'une exposition à la galerie Seine 51 qui va présenter ses clichés dont les plus connus sont ceux de célébrités (Warhol, Dylan, Jagger parmi d'autres).

Il travaille également sur une réédition complétée de l'ouvrage du critique et historien du cinéma Michel Ciment sur le cinéaste.

Schatzberg, qui a fait partie des réalisateurs qui ont contribué au renouveau d'Hollywood dans les années 70, a commencé sa carrière dans la photographie de mode, collaborant avec les prestigieux Vogue ou Glamour.

Comme un passage de l'image fixe à l'image animée, son premier film en 1970, le puissant Portrait d'une enfant déchue, dépeint le déclin d'un ancien mannequin.

Le ton Schatzberg est là: ses inspirations sont les marginaux et l'Amérique dans ses travers. Le second film, Panic à Needle Park sur le milieu des drogués, est de la même veine. Avec au générique pour la première fois un certain Al Pacino.

Et pourtant le cinéaste a failli ne pas le faire! Quand on lui a proposé le scénario, il l'a d'abord refusé, après l'avoir lu en diagonale. «Et puis quand j'ai appris que Pacino était dedans, j'ai relu le scénario, je suis revenu voir les producteurs en leur disant que j'étais fou d'avoir refusé!».

Jerry Schatzberg avait vu pour la première fois le comédien sur scène quatre ans auparavant et s'était dit: «si je dois faire un film, ce sera avec lui».

Peu après ils tourneront un autre classique, L'épouvantail, road movie où figure également Gene Hackman, qui remportera la Palme d'Or à Cannes en 1973. Quelque 40 ans plus tard, Pacino et Schatzberg sont toujours amis.

L'ami retrouvé (1988) est une adaptation du roman homonyme de Fred Ulhman, histoire d'amitié poignante en Allemagne entre deux lycéens dont l'un est juif et l'autre issu d'une famille aristocratique.

Le scénario a été écrit par le célèbre dramaturge britannique Harold Pinter devant lequel il se sentait «très intimidé». «Notre seul point de désaccord concernait la fin du film. Alors je lui ai dit que je tournerai les deux fins mais comme c'était moi qui m'occupais du montage, j'ai mis la mienne. Et il a adoré!».

Si le livre ne lui avait pas été mis dans les mains par la productrice française Anne François, Schatzberg, juif américain né dans le Bronx, n'aurait jamais abordé l'Holocauste dans son oeuvre.

Mais là comme à son habitude, le cinéaste aborde un sujet grave par l'humain. «J'ai été séduit par cette histoire d'amitié profonde».

Réalisateur indépendant, Schatzberg a fait ses premiers films avec les grands studios (Universal, Warner, Fox) à une époque où, selon lui, «les dirigeants cherchaient à vous faciliter les choses». «Aujourd'hui ces films là ne le seraient plus», poursuit-il.

Schatzberg revendique d'avoir «toujours fait des films à petits budgets» comme son  dernier opus avec Guillaume Canet.

L'acteur français «m'a dit espérer que le budget du prochain soit plus important que le sien pour Blood Ties (bientôt en salles, ndlr). «Mais moi avec quelque 19 millions $, je fais trois ou quatre films!».