The Fifth Estate (Le cinquième pouvoir), retraçant l'épopée de Wikileaks, sort en première mondiale vendredi au Royaume-Uni: la critique lui accorde la moyenne, David Cameron parle d'un jeu d'acteur «fantastique» mais Julian Assange hurle au navet truffé de mensonges.

Dans un courriel envoyé à l'AFP depuis l'ambassade d'Équateur à Londres, où il est retranché depuis seize mois, le fondateur de Wikileaks décrit le long métrage comme «un festival d'ennui gériatrique que seul le gouvernement américain saura apprécier».

Il ne saurait y avoir pire condamnation dans la bouche d'Assange qui craint toujours d'être extradé aux États-Unis pour y être jugé après la publication de centaines de milliers de documents diplomatiques et militaires.

Visé par un mandat d'arrêt de la Suède, pays où il est accusé de deux agressions sexuelles qu'il nie, le cybermilitant australien pense que tous les moyens sont bons pour l'administration américaine de décrédibiliser le paria qu'il est devenu.

Il est donc persuadé que le réalisateur Bill Condon agit en service commandé pour le dépeindre en «mégalomane antisocial» dans un film qui aurait faux sur toute la ligne.

The Fifth Estate se penche sur la trajectoire de Wikileaks entre 2007 et 2010, l'année où l'organisation est devenue célèbre avec la publication des «War Logs», qui dévoilaient des abus commis par l'armée US en Irak et en Afghanistan, et du «Cablegate», riche en milliers de documents diplomatiques.

Interprété par l'acteur britannique Benedict Cumberbatch, Assange apparaît dans le long métrage aux côtés de Daniel Domscheit-Berg, incarné à l'écran par le comédien allemand Daniel Brühl, dont le livre autobiographique a inspiré en partie le film.

Ce simple fait suffit à résumer le parti-pris du film, insiste-t-on dans le camp Assange, puisque Domscheit-Berg est en conflit «personnel et juridique» avec Wikileaks depuis son départ de l'organisation en 2010.

Assange en revanche n'a jamais été associé au projet. Son seul contact avec l'équipe du film se limité à un échange par courriel avec Benedict Cumberbatch, qu'il a publié mercredi soir. Il lui demandait alors de refuser le rôle.

Assange «nous a identifiés très tôt comme un projet hostile», a rappelé le réalisateur Bill Condon lors du Festival de Toronto dont le film a fait l'ouverture le 6 septembre.

Douze jours plus tard, Assange confirmait à sa manière en publiant sur internet une «version mature» du scénario de Fifth Estate, amendé par une note dans laquelle il descend une nouvelle fois le long métrage en flammes.

Entre «inventions», erreurs factuelles et «sources biaisées» le film en prend pour son grade, d'autant qu'il suggère qu'Assange se teint les cheveux. Ce que son équipe dément vigoureusement.

«Les gens aiment la vraie histoire de Wikileaks: celle d'un petit groupe de journalistes dévoués et d'activistes techno qui, contre vents et marées, combattent la corruption et la criminalité d'État. Mais ce n'est pas le sujet du film», écrit Assange à l'AFP.

Il reproche par ailleurs au scénario de faire la part belle au Département d'État américain.

Assange lui-même n'a pas encore vu le film. Ce ne serait pas faute d'avoir essayé, selon une source proche de l'activiste. Mais Dreamworks, la maison de production, a repoussé toutes les demandes, alors que même David Cameron a eu droit à sa copie.

Le Premier ministre britannique a déclaré mardi qu'il avait trouvé Benedict Cumberbatch «brillant», partageant ainsi l'avis de la critique britannique. Pour le reste, la même critique estime que le film souffre de la comparaison avec The Social Network, le long métrage de David Fincher sur le créateur de Facebook, Mark Zuckerberg.

Qui - soit dit en passant - n'avait pas apprécié lui non plus à l'époque la manière dont on avait retranscrit à l'écran l'histoire de sa vie.